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les Msisnas, des pentes plus abordables. En effet, une importante inscription, recueillie en 1860 à Bougie, porte un ex-voto dédié par Aurelius Litua, gouverneur de la Mauritanie césarienne, à Junon et aux autres divinités, grâce auxquelles, « ayant réuni les soldats de ses seigneurs les invincibles Augustes, — tant ceux de la Mauritanie césarienne que ceux de la Mauritanie sitifîenne, — il a attaqué les Quinquegentiens rebelles, et remporté sur eux la victoire. » De quels Augustes cet Aurelius Litua était-il le lieutenant ? De Dioclétien et de Maximien, comme l’indique une autre pierre découverte à Cherchel par le savant M. Berbrugger en 1840. Or, si l’on remarque (car il ne faut dédaigner aucun indice à travers toutes les obscurités de l’histoire) que l’inscription trouvée à Bougie en 1860 spécifie le nom de Mauritanie sitifîenne, et que la province sitifienne ne fut formée, du témoignage de tous les annalistes, qu’en 297, après les succès de Maximien, il ne saurait demeurer douteux que la révolte combattue par Aurelius Litua ne fût postérieure à la même date. Tous les Quinquegentiens n’avaient donc point été transportés ni abattus. Comment admettre, au reste, que les tribus du Djurdjura fussent à la fin du IIIe siècle l’objet d’une transplantation sérieuse lorsque, dans le courant du IVe, l’histoire nous cite Nubel, qui régnait sur les Jubalènes de la Montagne-de-Fer, comme un roi puissant parmi les Maures ? Si le coup frappé par Maximien avait eu le retentissement que lui prête son panégyriste, un demi-siècle eût-il suffi à en effacer la trace, et la terreur du nom romain se fût-elle assez vite éteinte dans la mémoire de deux générations pour que Igmazen, chef des Isaflenses, osât se porter au-devant du comte Théodose, envoyé de l’empereur, et l’aborder par ces paroles arrogantes : « D’où es-tu, et que viens-tu faire ? Réponds ! »

Ce comte Théodose, le meilleur général de l’empire sous Valentinien Ier, s’était vu appeler, en 372, au commandement de l’armée d’Afrique pour châtier les barbares qui depuis huit ans avaient repris le cours de leurs insolentes dévastations. Un fils de Nubel, le Quinquegentien Firmus, faisait entendre au loin son appel aux armes. Meurtrier de son frère Zama, qu’il accusait de dévouement. à la cause romaine, Firmus avait à venger tous les Maures des odieuses exactions du gouverneur impérial Romanus. Chrétien de religion, il avait entraîné son peuple à embrasser avec ardeur le donatisme pour ne pas professer le même culte que son ennemi, et son drapeau était le drapeau de l’hérésie, afin d’être plus encore celui de l’indépendance[1].

  1. Les noms de donatiste et de firmien devinrent alors synonymes, — Voyez saint Augustin, lettre 87 ; voyez aussi, sur les donatistes et l’Afrique au temps de saint Augustin, les études de M. Saint-Marc Girardin dans la Revue du 15 septembre et du 15 décembre 1842.