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romain, l’autre vers le rationalisme. La vérité est que les high churchmen admettent comme autorité secondaire la tradition représentée par les pères et les conciles œcuméniques, tandis que les low churchmen ne reconnaissent que l’autorité des saintes Écritures. Les premiers attachent une grande importance à la hiérarchie ecclésiastique, aux sacremens, aux rites, aux rubriques et aux cérémonies ; les seconds se soucient assez peu de tout cela et ne se préoccupent guère que du culte de la parole. Cranmer, voulant concilier les deux partis, composa sous le règne d’Édouard VI le Book of common prayer, qui, avec quelques légères variantes introduites du temps d’Élisabeth et de Jacques Ier, sert encore aujourd’hui de lien à la liturgie anglicane. Les uns et les autres cependant interprètent ce livre à leur manière. Où se prononce surtout l’antagonisme des deux doctrines, c’est dans l’architecture des temples. Les successeurs des anciens puritains regardent moins l’église comme un lieu de prières que comme le siège de la prédication ; tout y est donc sacrifié à la chaire et à l’auditoire. Les high churchmen au contraire cherchent à donner à leurs édifices un caractère de grandeur et de beauté. Selon l’opinion générale en Angleterre, ce goût des ornemens a même été poussé beaucoup trop loin dans certains cas ; les images, les processions, les lampes, les fleurs, sont autant d’innovations étranges qui ont fort scandalisé les protestans de la vieille roche. Certaines pratiques douteuses, la confession rétablie sous une autre forme, des couvens d’hommes et de femmes fondés à l’ombre du culte réformé, ont soulevé contre l’église des sacerdotalists et des tractarians[1] un cri d’alarme. Où allait-on ? N’était-ce point le romanisme qui sous un autre nom cherchait à reprendre la Grande-Bretagne dans ses filets ? L’écho de ces plaintes et de ces murmures s’éleva même jusqu’à la chambre des communes. Le péril a sans doute été exagéré : les chefs du mouvement désavouent eux-mêmes avec énergie les intentions qu’on leur prête ; mais l’animosité de part et d’autre n’a fait que s’accroître, et l’opinion publique a cherché dans l’église basse un rempart contre les progrès réels ou imaginaires d’un culte étranger.

Ceux des high churchmen qui défient par leurs idées bien connues le soupçon d’idolâtrie n’échappent point toujours à celui d’infidélité ; c’est le nom qu’on donne ici aux diverses nuances du rationalisme. Sous l’épithète assez étrange de latitudinaires (latitudinarians), les organes de l’église basse poursuivent de leurs atta-

  1. L’épithète de sacerdolalist s’applique naturellement à l’idée de sacerdoce, dont on accuse les puseyistes de vouloir exagérer l’importance et accroître les privilèges. Quant au mot tractarian, il vient de Tracts for the times (traités pour le temps), sorte de recueil dont les principaux collaborateurs étaient les docteurs Pusey, Kewman et Keble.