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débarqua en Angleterre. C’est à ce moment-là que le nom d’église haute fut donné aux prêtres non assermentés, non jurors, qui refusaient de reconnaître les droits du prince d’Orange à la couronne de la Grande-Bretagne, sous prétexte que Jacques II, quoique détrôné, était encore leur roi légitime. Ce titre de high church s’appliquait à la haute idée que se faisaient ces ecclésiastiques de la dignité de l’église et de l’étendue de ses prérogatives. Ceux au contraire qui désapprouvaient l’obstination de leurs confrères, qui étaient connus pour leur modération envers les dissidens et qui se formaient une idée plus humble de l’autorité de l’église, furent rangés dans ce qu’on appela par antithèse l’église basse. Entre ces deux partis religieux, les sympathies du prince d’Orange ne pouvaient être un instant douteuses. Il ouvrit les écluses au puritanisme et reçut dans le sein de l’established church ce qui en avait été plus ou moins écarté par ses prédécesseurs. Chaque fois qu’il supplantait un évêque ou tout autre dignitaire ecclésiastique rebelle au serment de fidélité, il le remplaçait volontiers par un membre de l’église basse, et c’est ainsi qu’un élément d’abord si faible dans le clergé acquit sous le règne de Guillaume III une certaine prépondérance. Depuis ce temps-là, les deux partis continuèrent de vivre côte à côte sous la même autorité ; mais entre eux que d’anciens griefs ! C’était à qui agiterait des fantômes : les uns, l’exécution de Charles Ier et l’expulsion des Stuarts ; les autres, toutes les lois de réaction dont ils avaient souffert sous le règne de Charles II. Ces derniers n’étaient-ils point les enfans de la persécution ? et comment dans ce temps-là eussent-ils épargné à leurs adversaires l’épithète de papiste[1] ? La politique tenait de très près à la religion : aussi les membres de l’église haute étaient-ils presque tous tories, tandis que le clergé de l’église basse se rangeait invariablement du côté des whigs.

Le temps a beaucoup adouci ces divisions, mais il ne les a point éteintes. L’église basse ne donne plus à l’église haute le nom de Babylone ni de grande prostituée. Toutes deux sont-elles pour cela réconciliées dans la paix du Seigneur ? Non, vraiment. Ce sont deux sœurs ennemies qui cachent leurs anciennes rivalités sous certaines réserves de langage et de conduite. Chaque fois que l’église haute veut mettre la lumière sous le boisseau, l’église basse se tient volontiers à l’écart. S’agit-il de la convocation, les membres de l’église basse (low churchmen) demandent comment l’assemblée d’une

  1. Walter Scott, dans son Histoire de Dryden, fait observer avec raison que les membres de l’église haute, vers la fin du règne de Charles II, avaient les mêmes intérêts à défendre que les catholiques : Ils étaient rapprochés par une commune haine des sectes religieuses, par un commun attachement à la famille des Stuarts.