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Ces assemblées ne sont point les seules qui témoignent du mouvement des idées religieuses. Dans un pays où règne le droit illimité de réunion et de discussion, diverses associations libérales s’entendent pour tenir des congrès qui ont lieu tantôt dans une ville, tantôt dans une autre. C’est ainsi que le congrès scientifique siégeait l’année dernière à Bath, tandis que celui de la science sociale occupait naguère la population ouvrière de Sheffield. Pourquoi le clergé anglais ne profiterait-il point du même droit ? Il s’est en effet établi depuis quelque temps un congrès de l’église, church congress, qui s’assembla en 1862 à Oxford, en 1863 à Manchester et en 1864 à Bristol. Cette année (1865), il avait choisi pour lieu de ses séances l’antique cité de Norwich, bâtie sur une colline que couronnent fièrement une cathédrale et un ancien château. Ces grandes réunions changent tout à coup la physionomie des villes, car elles attirent toute une foule d’illustres visiteurs, et il faut voir l’empressement qu’on met à les recevoir. Le maire ouvre ses salons, les hôtels s’emplissent de curieux, et les maisons particulières elles-mêmes tiennent à honneur d’exercer dignement les lois de l’hospitalité. Quel mouvement et quel spectacle ! On n’avait jamais vu dans les vieilles rues de Norwich tant d’évêques, de doyens, de chanoines et d’autres dignitaires ecclésiastiques. Cette ville est pourtant accoutumée aux pompes religieuses. Là s’élève le couvent du frère Ignatius, qui a fait assez parler de lui dans ces derniers temps en Angleterre[1].

Cependant un comité exécutif s’occupe de choisir les sujets qui seront traités dans le congrès et de désigner les orateurs qui devront prendre la parole. Il évite de faire entrer dans le programme les questions de doctrine, afin d’attirer comme sur un terrain neutre les deux ou trois partis qui divisent le clergé. Le but de ces réunions est tout pratique ; on s’y préoccupe non point de ce que l’église doit croire, mais de ce qu’elle doit faire. Le congrès s’ouvre enfin dans une des grandes salles de la ville. Tous les astres du clergé, à quelque degré de grandeur qu’ils appartiennent, s’y trouvent réunis : on remarquait cette année, à Norwich le révérend William Thompson, archevêque d’York[2], l’évêque

  1. Chef d’un ordre nouveau de bénédictins, le frère Ignatius a voulu renouveler sous le manteau du protestantisme ce que les Anglais appellent les momeries du moyen âge, telles que les processions dans les rues, le culte du divin bambino, l’usage de l’encens dans les églises, etc.
  2. Élevé à l’école de Shrewsbury et au collège de la Reine (Queen’s college) à Londres, nommé plusieurs fois prédicateur d’élite (select preacher) à Oxford et plus tard à Lincoln’s-Inn, il obtint de grands succès dans la chaire. En 1861, il fut consacré évêque de Gloucester et de Bristol, puis obtint on 1803 le siège archi-épiscopal d’York, dont les revenus s’élèvent à 12,000 livres sterling (300,000 francs) par an. Comme écrivain, il est connu surtout par un livre sur la logique intitulé Outline of the Thoughts (Esquisse des Pensées).