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en faveur des porteurs de billets au préjudice des autres créanciers et surtout des déposans, bien que les dépôts soient le principal aliment des capitaux dont dispose une banque et la principale source de ses bénéfices. Aussi, sous l’influence de ce système, la circulation fiduciaire s’est-elle peu étendue : elle n’est guère que de 5 à 6 millions de dollars à New-York ; par conséquent, ce n’est pas là un système à imiter. Il n’a de libéral que le nom, et je ne sache pas qu’il y ait quelqu’un qui voudrait l’imposer en France.

La question des trois signatures pour être admis à l’escompte auprès de la Banque de France est beaucoup plus discutée. On se plaint à juste titre de la rançon que paie le commerce pour obtenir la troisième signature. Cette rançon, prélevée sous forme de commission, dépasse souvent l’intérêt lui-même ; elle varie de 1/4 à 1/2 pour 100, et si la durée des billets est en moyenne de quarante jours, elle constitue une charge additionnelle de 2 1/2 à 5 pour 100 en dehors de l’intérêt. Le commerce gagnerait certainement beaucoup à en être affranchi, et il se plaindrait moins de l’élévation du taux de l’escompte, s’il n’avait pas à y joindre ce qui est pris par la commission ; mais comment faire ? La Banque de France ne peut pas se départir des règles de prudence et de sécurité qui font la force de son crédit ; elle ne peut pas non plus, comme certains banquiers, restreindre arbitrairement ses opérations, n’admettre à l’escompte que les gens qui lui conviennent et dont elle connaît parfaitement la situation. Elle doit être plus libérale, et pour cela il lui faut une garantie qui n’est pas nécessaire au banquier qui n’agit que dans le cercle de ses connaissances. La Banque de France, précisément parce qu’elle est la banque de toute la France, ne peut pas connaître tous ses cliens. On lui demande d’être très démocratique, et elle l’est en effet, puisqu’elle prend les plus petites coupures, des coupures de 20 fr., de 10 fr. même, celle des artisans les plus modestes ; mais cette libéralité démocratique, elle ne peut l’exercer qu’à la condition de la rendre compatible avec la sécurité dont elle a besoin. C’est pour cela qu’elle exige la troisième signature.

Un économiste fort distingué, M. Coquelin, a écrit dans son excellent livre sur les institutions de crédit, à propos de cette troisième signature, qu’elle était le renversement de tous les rôles, en ce que ce sont des particuliers qui assurent une compagnie, et non des compagnies qui assurent les particuliers. Cet argument peut surprendre les esprits, mais il n’est pas fondé. La Banque de France n’a pas été organisée pour défendre le commerce contre les risques qu’il peut courir, mais pour lui prêter une certaine assistance à l’aide de son crédit, et la première chose pour que l’assistance ait lieu, c’est que le crédit reste intact. Le jour où la Banque se départirait