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si l’état s’est ôté le droit de rien imposer à la Banque de France pendant quarante ans, il peut user de son influence pour demander ce qu’il juge utile, et on aime à croire qu’il l’obtiendra de la sagesse et de la prévoyance des directeurs. Ils comprendront parfaitement que tout monopole a des charges, et qu’une de ces charges, c’est de satisfaire les exigences du public et de l’état dans ce qu’elles ont de légitime. Ils le comprendront d’autant mieux qu’en donnant satisfaction aux demandes légitimes ils auront plus de force pour résister aux chimères que l’on met en avant aux époques de crise, comme de donner l’argent à bon marché lorsqu’il est cher, d’étendre indéfiniment la circulation fiduciaire sans se préoccuper de l’encaisse, et de faire un triage des bordereaux qui sont présentés. Ces choses-là sont impossibles, et on compromet les bonnes réformes en en demandant d’aussi mauvaises.

Maintenant la Banque de France, telle qu’elle existe chez nous, vaut-elle mieux ou moins que les banques de Hambourg, de Hollande, d’Angleterre et des États-Unis ? Il est évident que, si l’on considère comme utile d’avoir une circulation fiduciaire assez étendue et très solide, notre système de banque vaut mieux que tous les autres : il vaut mieux que celui de Hambourg, où il n’y a pas de circulation fiduciaire, mieux que celui de la Hollande, où il y en a une très limitée ; il vaut mieux encore que celui de l’Angleterre, où, en vertu de l’acte de 1844, la circulation fiduciaire est soumise à une limitation tout à fait arbitraire, que ne justifient ni l’état de l’encaisse ni les dispositions du public. Chez nous, il n’y a pas de limites à la circulation fiduciaire, et la preuve que cela n’est pas indispensable, c’est que la Banque de France a déjà plus de soixante ans d’existence, qu’elle a traversé bien des crises, plusieurs révolutions, et qu’excepté un moment en 1848, où il y a eu plus de panique que de cause réelle de discrédit, la Banque a toujours fait honneur à ses engagemens et n’a jamais cessé ses opérations. Quant au système de banque des États-Unis, j’avoue que je préfère encore le nôtre. Aux États-Unis, dans le système qu’on appelle le free-banking, on ne peut émettre de billets au porteur que contre dépôt de certaines valeurs déterminées, et de plus les porteurs de ces billets sont privilégiés sur tous les autres créanciers de la Banque, même sur les déposans. Ce système présente deux inconvéniens : le premier, d’immobiliser les capitaux de la Banque d’émission d’une façon qui peut être contraire à ses intérêts, puisque, pour la garantie des billets, elle ne peut acheter que certaines valeurs ; le second, d’établir une préférence qui n’est nullement fondée