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différemment. Personne n’oserait soutenir, par exemple, que Marseille aurait été aussi facilement approvisionné de numéraire, les deux dernières années, avec une banque locale, qu’il ne l’a été avec une succursale de la Banque de France et qu’il ne l’aurait pas payé plus cher.

Je ne connais en faveur des banques locales d’émission qu’un argument qui ait une certaine valeur, c’est celui qui consiste à dire que la faculté d’émission serait nécessaire pour augmenter le nombre des banques. Encore cet argument, quand on y regarde de près, est-il plus spécieux que fondé. En définitive, de quoi s’agit-il ? S’agit-il d’établir des banques d’émission partout, dans les plus petites localités où il n’y aurait pas d’autre ressource que le droit d’émission ? Assurément non : on sent très bien que cela ne serait pas possible ; il s’agit tout simplement, dans le système que je discute, d’en établir dans les grands centres commerciaux. Or je ne m’explique pas que les banques qui seraient nécessaires dans ces grands centres ne puissent pas s’y établir sans le droit d’émission. Elles ont, pour se procurer des capitaux, un moyen beaucoup plus efficace et beaucoup moins dangereux que l’émission des billets au porteur : c’est celui des dépôts. Avec les dépôts, auxquels elles bonifient un intérêt moindre que celui qu’elles en retirent en les plaçant, elles ont une source considérable de bénéfices. Cela est si vrai qu’en Angleterre une masse de banques ne vivent que des dépôts ; les joint-stock banks de Londres n’ont pas d’autres ressources, et elles font toutes des affaires brillantes, distribuant en moyenne des dividendes plus élevés que ceux de la Banque d’Angleterre. Est-ce qu’il n’y a pas de banques à Hambourg, où l’on ne connaît pas le billet au porteur ? Est-ce qu’il n’y a en Hollande que la banque d’émission ? Enfin aux États-Unis, à New-York, si on veut se donner la peine d’interroger les faits, on verra que le droit d’émission est compté pour bien peu de chose dans les opérations que font les banques ; elles ont généralement plus d’encaisse métallique que de billets en circulation, et le nombre des billets par rapport aux dépôts est dans la proportion de 1 à 30 ou 40.

La faculté d’émission qu’on demande pour les banques locales, loin de leur être nécessaire, leur serait plutôt nuisible ; elle doublerait leur responsabilité. Se figure-t-on dans une ville de province, un jour de crise ou de panique, une banque d’émission obligée de rembourser à la fois ses billets et ses dépôts ? Il y en a fort peu qui résisteraient à cette double pression, et on se verrait forcé de prendre les plus grandes précautions, d’entourer le droit d’émission de telles restrictions, de telles garanties, comme cela se fait en Amérique, que, comme en Amérique aussi, les banques locales