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soi, et comme le banquier est en rapport avec d’autres banquiers agissant de même pour d’autres cliens, que ces banquiers se réunissent à certains momens pour liquider toutes les créances qu’ils ont les uns sur les autres, il en résulte que les transactions les plus considérables et les plus multipliées se règlent sans numéraire et aussi sans billets au porteur. Le règlement par virement et compensation, voilà l’avenir du crédit et le véritable moyen d’économiser le numéraire. Nous avons, dans la première partie de ce travail[1], comparé l’argent aux chemins de fer, nous avons dit que de même qu’on peut augmenter les services d’un chemin de fer en multipliant les trains, on peut aussi, avec plus de rapidité dans la circulation, faire servir la même somme de numéraire à plus de transactions. Le virement est précisément le mode à employer pour arriver à ce résultat. Mille francs déposés chez un banquier peuvent régler plus d’affaires en un jour qu’ils n’en régleraient en un an, s’ils restent dans la poche des particuliers. Cela veut-il dire que l’idéal de ce système soit d’arriver à se passer complètement de numéraire et à tout régler par viremens et par compensations ? Non certes, il faudra toujours du numéraire, il en faudra peu ou beaucoup suivant qu’on aura plus ou moins perfectionné le mécanisme du crédit, mais il en faudra toujours assez pour qu’on ne perde pas de vue cette seule et unique mesure de la valeur, et, ce qui est aussi un point très essentiel, pour qu’à certains momens, lorsqu’on doit acheter au dehors du coton ou d’autres denrées de première nécessité, on puisse faire des exportations de numéraire sans causer un préjudice trop grave à la circulation monétaire du pays.

Maintenant quelles sont les conditions d’une bonne monnaie fiduciaire ? On a déjà montré que la monnaie fiduciaire, pour être bonne, devait toujours être convertible en espèces, et varier absolument comme varierait la monnaie métallique elle-même. On sait aussi que les Anglais, pour appliquer ce dernier principe, ont imaginé ce qu’on appelle l’acte de 1844. Cet acte limite l’émission de la monnaie fiduciaire à un chiffre déterminé, ce chiffre est de 14 millions 1/2 de liv. sterl. pour la Banque d’Angleterre seule. Au-delà de ce chiffre, toute émission d’une bank-note ou billet au porteur doit avoir sa représentation exacte en numéraire dans les caisses de la Banque, de telle sorte que dans les temps de crise, lorsque l’argent devient rare, on ne peut pas y suppléer par de la monnaie fiduciaire. La cause qui agit sur la circulation métallique agit en même temps sur la circulation fiduciaire ; l’une ne peut pas s’étendre au préjudice de l’autre.

À ce point de vue, l’acte de 1844 est donc très efficace : il assure

  1. Voyez la Revue du 15 novembre.