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dans certaines écoles dissidentes, et dont l’identité avec celle des apocryphes est par lui mise en lumière. Les gardiens de cette tradition étaient, durant les siècles antérieurs à Jésus-Christ, les deux sectes que nous avons nommées, les esséniens et les thérapeutes. Les premiers étaient en Judée et habitaient particulièrement les bords de la Mer-Morte ; ils y étaient nombreux : au temps de Josèphe, malgré les progrès de la nouvelle église, on en comptait encore quatre mille. Ils avaient pour méthode d’interpréter allégoriquement la loi mosaïque, ce qui les conduisait à ne point reconnaître les interprétations officielles des rabbins et à substituer à la caste des prêtres un sacerdoce universel. Ils n’enseignaient point en public leur doctrine secrète et ne parlaient jamais que par paraboles ; leur morale avait pour base l’abstinence pour soi-même, la charité pour les autres, l’égalité des hommes et la négation de l’esclavage. Un lien étroit les unissait aux alexandrins : ils connaissaient leurs livres, parmi lesquels il y en avait un, intitulé la Science de Salomon, qui leur était familier. La doctrine essénienne et sa transmission orale forment donc le passage qui conduit de la doctrine des apocryphes à la doctrine secrète des chrétiens.

Aux esséniens de Palestine répondaient les thérapeutes d’Égypte : c’était, comme eux, une sorte d’anachorètes d’un caractère tout à fait oriental. Ils vivaient dans des monastères, s’occupant de commenter la loi et les prophètes, de composer et de chanter des hymnes ; ils faisaient la prière au lever et au coucher du soleil ; dans celle du matin, tournés vers l’orient, ils demandaient d’être éclairés par la lumière intérieure ; ils avaient remplacé l’agneau par l’eau et le pain dans le saint sacrifice, et aboli par là l’immolation sanglante. Ils avaient des symboles profonds et cherchaient la science du secret. Eusèbe et saint Jérôme les considéraient comme chrétiens ; mais Philon en fait une secte juive, et Philon devait bien savoir ce qu’ils étaient. On ignore cependant l’origine de ces deux sectes. Nous trouvons les esséniens dans histoire au milieu du IIe siècle avant Jésus-Christ ; mais à cette époque ils se présentent comme une secte déjà fort ancienne, opposée aux sadducéens et se donnant pour rôle de conserver une tradition orale et secrète différente de la tradition mosaïque, et destinée à la remplacer un jour. Nous savons de plus par Eusèbe, par saint Épiphane et par saint Jérôme, qu’il existait chez les Juifs une pareille tradition orale longtemps avant le IIe siècle, transmettant les mêmes idées qui furent adoptées par les esséniens et les thérapeutes et finalement par les chrétiens.

Or, si l’on étudie attentivement les livres, du canon hébreu, on n’y trouve aucune trace de cette doctrine, si ce n’est peut-être dans les Proverbes, attribués au roi Salomon ; mais ce livre est d’une