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à saint Paul de ne pas dire tout le secret, et d’en garder pour lui-même la partie la plus importante. C’est donc dans cette épître aux Hébreux que se trouvent les premières formules de la doctrine nommée plus tard docétisme, d’un mot grec qui signifie sembler, parce que le corps du Christ n’avait, selon elle, qu’un semblant de réalité. Elle se produisait ainsi en pleine période apostolique. L’épître faussement attribuée à Barnabé marque la seconde étape du docétisme ; elle est postérieure à l’épître aux Hébreux, antérieure à l’Évangile de Jean. L’auteur appartenait à l’église d’Alexandrie ; il regardait, ainsi qu’Apollos, le christianisme comme une nouveauté sans racines dans le judaïsme, niait que Jésus fût un fils de David, et ne reconnaissait point son humanité.

Cette doctrine ne resta pas concentrée dans Alexandrie ; elle se répandit promptement dans d’autres églises. La pensée d’Apollos, portée à Corinthe, y produisit un véritable schisme. Déjà Paul avait, pour la réfuter, écrit sa première aux Corinthiens, mais, sa propre opinion n’ayant point prévalu, ils reçurent bientôt une seconde lettre de l’évêque Clément de Rome, constatant et déplorant la division qui régnait parmi eux, les prévenant contre les faux maîtres qui ne reconnaissaient ni Paul ni Pierre, et les engageant à imiter ces deux apôtres, qui, après avoir été divisés quelque temps, s’étaient enfin réconciliés. La lettre de Clément prouve qu’à la fin du Ier siècle, époque où elle fut écrite, le docétisme régnait dans certaines églises d’Orient ; mais elle prouve en même temps que l’église de Rome en était exempte, et que, si la doctrine de Paul n’y était pas encore seule en vigueur, du moins toute influence juive en avait définitivement disparu.

Le Pasteur, composé par Hermas, frère de Pie, évêque de Rome, parut vers les années 130 ou 140. Il fut comme une suite de la lettre de Clément et de l’Évangile de saint Luc. Quoiqu’il n’avançât pas beaucoup au-delà de saint Paul dans l’exposition des doctrines secrètes, il avait l’avantage de les répandre dans l’église, de les préciser sur un grand nombre de points, de les approfondir, et surtout de les poser nettement en face de ceux qui niaient soit la divinité du Christ, soit son humanité. Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène, considérèrent cet écrit comme canonique, et nous pouvons le regarder comme formant dans la manifestation du secret un anneau de la chaîne qui unit saint Paul à saint Jean.

Nous ne voulons pas, malgré l’intérêt du sujet, obliger le lecteur à nous suivre à travers les écrits d’Ignace, de Polycarpe, de saint Justin, ni à travers ces récognitions et homélies qui portent le nom de Clémentines et retracent la doctrine des apôtres. Nous arrivons à cette belle œuvre d’un auteur contesté qui a pour titre Epître à Diognète. M. de Bunsen la considère comme une œuvre