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signe de ralliement une grande question d’intérêt national, et établissent entre les citoyens qui les composent une solidarité plus étroite que le despotisme le plus absolu. En ce jour de l’élection présidentielle, qui est pour ainsi dire le point culminant de la politique, les partis ne se battent pas seulement pour le choix d’un président, mais encore pour l’organisation de tous les pouvoirs locaux, qu’une commune origine rend solidaires du pouvoir central. Chaque parti compose alors ce qu’il appelle son ticket, les bulletins de vote ne portent pas seulement le nom du président ou des électeurs présidentiels, mais encore ceux du gouverneur, du lieutenant-gouverneur, de ses ministres, des députés au congrès, des députés aux deux branches de la législature de l’état, des magistrats même dans les états où la justice est élective. Ainsi l’élection qui nomme Abraham Lincoln et André Johnson président et vice-président des États-Unis nomme en même temps Richard Oglesby gouverneur de l’Illinois, William Bross lieutenant-gouverneur, S. Moulton député pour l’état at large, John Wentworth représentant du premier district, etc. Une fois les candidats désignés, on les. adopte ou on les repousse tous ensemble, et le ticket du parti vainqueur est toujours élu en entier.

Chaque parti a donc, à vrai dire, son gouvernement organisé, et jusqu’à une armée de subalternes prête à envahir les petits emplois. Tous les quatre ans, l’administration entière est menacée. Si le président change, elle change aussi de la cave au grenier, partout du moins où le nouveau pouvoir a obtenu la majorité. Cette vaste organisation des partis a sans doute bien des vices : elle met tout en question à la fois et fait tout dépendre à chaque instant des passions du jour, sans compter qu’en faisant des emplois un lieu de passage où l’on ne séjourne pas, elle y élève souvent des vainqueurs avides au lieu d’administrateurs consciencieux. Le pouvoir est pour ces maîtres éphémères une proie dont ils veulent au moins emporter un morceau ; mais elle donne aux partis la solidité qui fait-les votes prompts et péremptoires. Tout citoyen enrôlé d’avance dans l’une ou l’autre armée se présente au combat à son rang et à son poste. Sauf peut-être à New-York et dans les villes où afflue la population irlandaise, on ne voit guère en Amérique de ces électeurs imbéciles qui viennent aux polls sans savoir pourquoi, votent sans savoir pour qui, et sont la proie facile du premier qui leur offre un billet de vote et un verre d’eau-de-vie. Tous ont reçu d’avance un mot d’ordre, et s’ils n’ont pour la plupart que des notions assez confuses sur les conséquences de leur vote, ils n’en disent pas moins avec ensemble, suivant leur parti, que Mac-Clellan est un coward ou Lincoln un s. of a b.