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a plus un seul. A Foligno, où il a vécu, on ne compte que deux ou trois vieilles familles papales ; elles sont avares, arriérées, l’une est parente d’un cardinal. Le reste de la ville est pour Victor-Emmanuel. On loue à bon marché les biens ecclésiastiques aux paysans, ce qui les réconcilie avec le gouvernement ; on finira par les leur vendre, et alors ils seront franchement patriotes. En somme, l’ennemi du nouvel établissement, c’est le clergé ; ce sont les moines réduits à quinze sous par jour, ce sont les prêtres qui conseillent aux jeunes gens de fuir la conscription et de passer la frontière romaine. — Du reste, comme presque tous les Italiens que j’ai vus, il est catholique et croyant, blâme le Diritto, journal jacobin et excessif, pense que la religion peut s’accommoder avec le gouvernement civil. Ce qu’il désapprouve, c’est l’autorité temporelle du clergé ; que les prêtres se réduisent à leurs fonctions de prêtres, administrent les sacremens et donnent l’exemple des bonnes mœurs ; une fois contenus, ils deviendront meilleurs. A Orvieto, où il vit, on attribue aux moines beaucoup d’enfans de la ville, et c’est un mal. Il admire notre clergé, qui est si décent, qui ne donne jamais de scandales ; il approuve le costume spécial que portent nos prêtres (en Italie ils ne sont tenus qu’à s’habiller de noir) ; il raille ces monsignors romains préposés aux mœurs, surveillans des théâtres, qui vont dans la loge de la première danseuse lui défendre d’avoir des caprices. Selon lui, un tel état de choses provoque les gens contre la religion elle-même. A Sienne, aux vitres des boutiques, nous venons de voir la traduction du Maudit, de la Vie de Jésus, du dernier livre de Strauss ; une gravure représentait la Vérité qui foudroie les prêtres entêtés et les hypocrites.

Mon impression de Pérouse à Sienne est que ce pays est semblable à la France. Les villageois sont à peu près aussi bien vêtus que les nôtres, ils ont plus de chevaux ; beaucoup d’entre eux sont propriétaires. L’aspect des villages et des petites villes reporte l’esprit vers notre midi. La contrée a la même structure, petites vallées et montagnes médiocres ; le sol semble aussi bien cultivé. Les anecdotes de garnison que me conte mon jeune officier, les intérieurs d’auberge et de petite bourgeoisie où je jette un regard me rappellent trait pour trait un voyage que l’an dernier j’ai fait dans le centre et le sud de la France. Pour achever la ressemblance, on voit partout sur la route des soldats en congé ou qui rejoignent leur corps ; les gens ont l’air gai, leur conversation est vive comme chez nous. Les bourgs et les petites villes ont cet aspect provincial, un peu terne, assez propre, que nous connaissons si bien. On dirait une France arriérée, sœur cadette qui grandit et se rapproche de son aînée. Si on considère ces partis qui s’y combattent, d’un côté les vieux nobles et le clergé, de l’autre les bourgeois, les