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d’idées militeraient en faveur du Saint-Gothard; sans nous arrêter sur ce sujet, nous nous bornerons à faire remarquer que les chemins du central et du nord-est suisse, de l’est français, celui du grand-duché de Bade et la plupart des lignes rhénanes sont dans une situation prospère qui leur permet une entente avantageuse avec le chemin du Saint-Gothard[1]. Nous croyons avoir assez longuement démontré qu’à tous égards ce dernier passage doit être préféré à tous les autres. Il nous reste pourtant, avant de terminer cette étude de la traversée des Alpes helvétiques, à donner sur cette question quelques renseignemens historiques et à marquer vers quelles solutions l’opinion publique s’est successivement portée tant en Suisse qu’en Italie.


V.

Le traité de commerce qui a été conclu le 8 juin 1851 entre la Suisse et la Sardaigne, et qui a été ensuite étendu au royaume d’Italie tout entier, a pour effet, si l’on s’en tient aux stipulations de ce traité, de restreindre le champ des comparaisons à faire entre les divers passages. Il exclut virtuellement les tracés du Simplon et du Splugen, car il ne s’applique qu’à une ligne « qui, partant immédiatement de la frontière sarde ou du point le plus convenable sur le Lac-Majeur et se dirigeant vers l’Allemagne, sera mise en communication avec les voies ferrées du Zollverein. » La question du choix à faire entre les cols alpestres fut longuement agitée en Pié-

  1. Les combinaisons qui peuvent résulter de cette entente sont de nature à reléguer au second rang la question soulevée par M. Lommel dans sa brochure, Simplon, Saint-Gothard et Lukmanier. Partant de ce principe qu’une hauteur de 10 mètres à franchir équivaut à un parcours horizontal d’un kilomètre, cet ingénieur, dans l’étude des différens passages alpestres, remplace les distances réelles par les distances qu’il appelle virtuelles. Il obtient ces dernières en divisant par 10 les hauteurs que présentent les différens passages à franchir et en ajoutant le quotient à la distance kilométrique réelle. L’auteur attache une importance exagérée aux résultats qu’il tire de ce calcul. Il faut remarquer en effet que le parcours additionnel ajouté par M. Lommel à la véritable distance ne doit pas augmenter la taxe totale afférente aux transports, et ne doit affecter que les frais d’exploitation. En Suisse par exemple, la taxe moyenne par tonne et par kilomètre est de 12 centimes, tandis que les frais d’exploitation s’élèvent à 3 centimes seulement. Il y aurait. donc lieu de réduire au quart l’augmentation que M. Lommel admet. Ajoutons que, pour évaluer les frais d’exploitation, il faut tenir compte du prix de la houille. On vient de voir l’influence prépondérante qu’exerce la position des compagnies voisines. En présence de tant d’élémens qui agissent dans des sens très divers, le principe des distances réelles reste celui dont on peut attendre les résultats les plus certains. On peut remarquer, et c’est là sans doute une considération décisive, que les compagnies de chemins de fer adoptent cette base dans les traités de concurrence qu’elles ont l’habitude de conclure entre elles.