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étouffée entre celles du Mont-Cenis et du Saint-Gothard: C’est donc à ce dernier passage que revient évidemment le privilège de favoriser les communications de l’Italie avec l’Alsace, la Lorraine et même la Flandre. Il offrira aux forges de la Marne, de la Meuse, de la Moselle et des Ardennes un transport moins coûteux que le fret auquel sont soumis les fers anglais pour venir en Italie. Les départemens du nord-est pourront envoyer leurs produits dans le Levant par le Saint-Gothard et les ports méridionaux de l’Adriatique. Gènes même pourra lutter avec Marseille pour le transport des cotons destinés au Haut-Rhin; les produits de Mulhouse auront 186 kilomètres de moins à faire pour gagner Gênes que pour atteindre Marseille, et, malgré la différence des niveaux à franchir, le premier parcours sera le plus économique. Si plusieurs départemens de la France, les plus importans au point de vue industriel, appartiennent au passage du Saint-Gothard, il en est ainsi de la Belgique et de la Hollande entières. Les fers de Namur par exemple, qui viennent à Milan par voie de mer, et dont le transport coûte 64 francs par tonne, seront transportés par le Saint-Gothard pour 52 francs; Amsterdam trouvera par là un parcours économique pour ses sucres raffinés. Pour toutes les villes de la Belgique et de la Hollande, Gênes sera dans une position plus avantageuse que Trieste.

L’Angleterre entretient avec l’Italie des relations commerciales fort importantes; les échanges faits entre ces deux nations se sont élevés, pour l’année 1861, à 230 millions de francs. Il est vrai que ce trafic se fait surtout par mer, et que les routes continentales ne peuvent être employées que pour quelques marchandises qui demandent, comme la soie, un transport sûr et accéléré. Quoi qu’il en soit, si l’on compare les différens passages alpestres sous le rapport de la distance qu’ils établissent entre le centre de la Haute-Italie et les ports de Douvres, de Calais ou d’Ostende, on trouve que le Saint-Gothard présente à cet égard sur le Lukmanier un avantage qui varie de 49 à 102 kilomètres; il va sans dire qu’il l’emporte de beaucoup plus sur le Mont-Cenis, le Simplon, le Splugen et le Brenner.

Nous pourrions trouver de nouveaux argumens à produire en faveur du Saint-Gothard, si nous examinions. les différentes compagnies de chemins de fer dont les réseaux viendraient se raccorder aux diverses lignes alpestres. Il faudrait tenir compte en effet des intérêts de ces compagnies et voir si elles doivent se montrer disposées à aider ou à combattre le chemin nouveau. Il faudrait donc examiner si les sociétés voisines sont prospères ou non, si elles peuvent favoriser le trafic du chemin alpestre par de bonnes combinaisons de taxes. Les considérations qu’on tirerait de cet ordre