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M. de Sismonda. En partant de l’orifice septentrional, on traversera d’abord le gneiss et le gneiss granitique, puis une longue série de schistes plus ou moins durs, qui sont ou des schistes micacés ou des schistes amphibolitiques. Les couches se présentent en éventail, c’est-à-dire qu’elles sont verticales au milieu et qu’elles s’inclinent sur les côtés; les outils de forage attaqueront la roche normalement à ses clivages. Le gneiss et le gneiss granitique sont très homogènes et ne présentent pas les veines de quartz qui en ce moment retardent les travaux du Mont-Cenis ces roches, malgré leur dureté, seront facilement percées par les machines perforatrices et elles offriront peu de résistance à la poudre. MM. Sommeiller et Grattoni, à qui le forage du Mont-Cenis donne une si grande autorité en ces matières, n’hésitent pas à dire que les travaux du Saint-Gothard ne seront ni plus coûteux ni plus longs que ceux du Mont-Cenis. L’avancement annuel du percement du Mont-Cenis peut être évalué à 1,200 mètres d’après les résultats acquis pendant l’année 1864 ; nous ferions donc une évaluation très modérée en supposant que les travaux du mont Saint-Gothard marcheront à raison de 1,000 mètres par an, et dans ce cas la durée totale en serait comprise entre quatorze et quinze années. Dans une étude toute récente, M. Grattoni réduit considérablement cette durée. En tenant compte des améliorations nouvellement introduites dans les chantiers de Modane et de Bardonnèche, il la fixe à dix années et demie, dont deux et demie pour l’établissement des chantiers et huit pour la perforation proprement dite.

On vient de suivre jusqu’à l’orifice méridional du grand tunnel la voie du chemin de fer projeté. A Airolo commence la vallée de la Lévantine, qui s’étend jusqu’à Biasca, où le Brenno, descendant du Lukmanier, vient se jeter dans le Tessin. Le paysage conserve d’abord l’aspect propre aux régions alpestres; mais bientôt un souffle méridional se fait sentir. Des forêts de mélèzes couvrent les versans, puis des noyers apparaissent, et l’on découvre de gras pâturages au milieu desquels court le Tessin, bordé d’une lisière épaisse d’aunes verdoyans. Nous trouvons encore d’immenses blocs. granitiques descendus des hauteurs, mais ils sont couverts d’une végétation de plus en plus touffue à mesure que l’on s’avance vers le midi. La vallée de la Lévantine, dans son ensemble, se divise en quatre terrasses séparées par trois gradins, dont les deux derniers sont tellement inclinés qu’on ne peut les franchir sans avoir recours aux paliers de rebroussement ou à l’expédient déjà signalé des rampes en spirale. Sortie du grand tunnel à une hauteur de 40 mètres au-dessus de la vallée, la voie suit d’abord le versant gauche de la montagne avec une pente de 25 millièmes et atteint le défilé de Stalvedro, où la vallée se rétrécit au point de