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contre la France ni des subsides qu’il aurait tant souhaités. Il dut retirer ses autres propositions financières et n’obtint que la reconnaissance de la dette publique. Il fallut qu’il renonçât aussi à l’espoir de voir créer un comité permanent qui le dispensât du concours de la représentation nationale. Enfin il ne parvint pas faire reconnaître par la noblesse le fameux acte de sûreté contre lequel cet ordre continuait à protester énergiquement depuis 1789. En revanche, il est vrai, la noblesse ni la bourgeoisie, ne portèrent aucune atteinte à ce qu’il avait usurpé de puissance lors de la dernière diète; mais la concorde n’était point pour cela rétablie. Au contraire chacune des parties n’avait craint d’attaquer que parce qu’elle redoutait un adversaire très animé et très redoutable. La diète avait avorté, mais après avoir attisé les haines politiques dont Gustave III était l’objet. M. d’Escars, qui se trouvait encore à Stockholm, raconte dans ses mémoires qu’un gentilhomme français au service de Suède, M. de Bury, vint l’avertir quelques jours avant l’ouverture de la session d’un complot prêt à éclater contre la vie du roi. L’agitation causée par la diète ne fit que multiplier de pareilles menaces, et hâta la criminelle entreprise sous laquelle Gustave devait finalement succomber.


II.

On a déjà pu prévoir, soit par le récit des fautes de Gustave III, soit par le tableau de l’anarchie morale qui régnait autour de lui comme dans l’Europe entière, à quelles sources les ennemis du roi de Suède puiseraient une passion capable de les conduire jusqu’au crime. Les traits principaux de cette situation générale se reflètent dans la physionomie particulière qu’offre chacun des régicides.

Anckarström n’a que trente ans; après avoir servi dans la garde, il a quitté le service en 1783 et s’est retiré dans ses terres, qu’il s’est occupé de faire valoir. C’était le moment où s’achevait la période heureuse et brillante du règne Anckarström fut du nombre de ces nobles qui fuyant la cour, recueillirent avec un ressentiment chaque jour aigri au fond de leur retraite les griefs auxquels donnait lieu la conduite de Gustave III. D’un caractère âpre et farouche, qu’il portait dans ses affaires privées, à travers cent procès, comme dans son attitude politique, il compromit sa fortune et revint habiter la capitale pendant ses deux dernières années. Désormais irrévocablement ennemi, il était de ceux qui de l’intérieur répondaient par une sourde conspiration à l’esprit de révolte devenu manifeste en Finlande, au camp d’Anjala. Le second coup d’état de Gustave III pendant la diète de 1789 l’avait exaspéré; presque en même temps des poursuites exercées contre lui pour des propos fac-