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vente; par conséquent la situation reste la même. Dira-t-on qu’en portant de temps en temps ses capitaux à la Bourse, et surtout dans les momens difficiles, il donne l’exemple, entraîne les autres, et qu’une fois l’entraînement opéré il peut se retirer impunément, sans que le crédit en souffre? D’abord il n’est pas sûr que cet entraînement ait lieu au moment où on en aurait besoin et dans le sens qu’on voudrait, et il n’est pas sûr non plus qu’il ait lieu précisément en faveur de la hausse. Dès qu’il ne s’agit que de différences à réaliser, peu importe au Crédit mobilier qu’il les réalise par la baisse ou par la hausse; ce qu’il cherche avant tout, c’est l’opération la plus fructueuse et la plus facile. A certains momens, ce sera une spéculation à la hausse; en d’autres temps, ce sera une spéculation à la baisse. Il résultera de cette intervention mystérieuse des oscillations plus ou moins fortes dans le crédit public, mais il n’en résultera jamais un appui solide, un soutien ferme, comme celui qui résulte des capitaux disponibles qui viennent chercher un placement, et qui gardent la valeur qu’ils ont achetée.

On comprend parfaitement la spéculation qui achète pour revendre et vend pour racheter, lorsqu’elle est faite par un individu agissant sous sa propre responsabilité et avec les capitaux qui lui appartiennent. Rien n’est plus légitime, il agit à ses risques et périls, et son intérêt comme sa responsabilité l’engagent à se renfermer dans des limites assez prudentes. On ne comprend pas cette spéculation entre les mains d’une société anonyme où il n’y a de responsabilité pour personne, et qui dispose d’un capital plus ou moins considérable, qu’elle peut porter tantôt sur une valeur, tantôt sur une autre, suivant l’intérêt du moment et au grand préjudice, de ceux qui spéculeraient en sens contraire.

Il ne faut pas oublier que cette institution dispose d’un capital social de 60 millions, que de plus elle a les. fonds qui lui sont déposés en comptes courans, qu’enfin, par ses rapports avec des compagnies qui semblent créées tout exprès pour augmenter sa puissance, elle peut encore à un moment donné leur emprunter une partie de leurs ressources. Tout cela sera peu de chose pour soutenir le crédit en général, car, en supposant que toutes ces ressources s’élèvent à une centaine de millions, ce n’est pas avec 100 millions qu’on pourrait soutenir un crédit qui embrasse aujourd’hui à la Bourse de Paris plus de 20 milliards de valeurs, d’autant plus que le Crédit mobilier n’achète que pour revendre; mais ce qui est sans importance pour soutenir le crédit en général en acquiert une très grande lorsqu’il s’agit de le porter sur une ou plusieurs valeurs. séparément. Il est évident qu’une institution qui disposé de 100 millions, ou même de la moitié, ou même du quart, et qui peut les