Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pitaux un intérêt plus ou moins élevé, ils ne peuvent pas les laisser inactifs, ils cherchent à les utiliser, et, pour les utiliser, ils poussent au développement des affaires. C’est le côté avantageux, mais c’est aussi le côté dangereux. Bientôt, par la force des choses, la clientèle, bonne ou mauvaise, d’une institution de crédit s’étend à ce point que les capitaux dont celle-ci dispose ne suffisent plus et que les embarras ne tardent pas d’arriver, sinon pour l’institution elle-même, au moins autour d’elle. Je suis loin de contester l’utilité de ces établissemens de crédit; je reconnais qu’ils contribuent grandement à la prospérité du pays par l’impulsion qu’ils donnent aux affaires. Je réponds seulement à la question de l’enquête, et je dis que ces institutions, par cela même qu’elles poussent à l’emploi des capitaux, qu’elles y poussent dans une mesure qui n’est pas toujours sage, qui n’est pas toujours subordonnée aux besoins, amènent des embarras financiers, et tendent plutôt à rapprocher les crises qu’à les éloigner.

Ce qui le prouve, c’est que la dernière crise, celle de 1863 et 1964, n’a été éloignée de fa précédente que par un laps de six ans, tandis qu’il y avait eu dix ans d’intervalle entre les crises antérieures. Ainsi, sans remonter plus loin; il y avait eu crise en 1826, puis en 1836, puis en 1846 et 1847, enfin en 1857, et tout le monde sait que la création de plusieurs de nos sociétés de crédit a eu lieu dans ces dernières années. Le fait est beaucoup plus saillant encore en ce qui concerne l’Angleterre, où le rapprochement de la dernière crise avec la précédente a coïncidé avec le plus grand développement qui ait été donné aux institutions de crédit. On peut presque affirmer que dans ce pays la crise est née de la trop grande quantité des institutions de crédit.

Quand je dis que ces institutions ont rendu de grands services, qu’elles ont donné une grande impulsion aux affaires, il ne faudrait pas se méprendre sur ma pensée et croire que ces services elles les rendent en commanditant directement l’industrie et en prêtant leurs capitaux à l’organisation d’une entreprise nouvelle quelconque. Non; telle n’est pas, telle ne peut pas être leur mission, et quand des institutions de ce genre se vantent de la participation qu’elles ont prise à un chemin de fer, à une entreprise nouvelle, à la reconstruction même de la capitale ou d’autres grandes villes, elles se vantent de ce qu’elles ne devraient pas faire, de ce qui est contraire au principe même de leur organisation. Les institutions de crédit n’ont généralement qu’un capital social insignifiant à côté des opérations qu’elles sont appelées à faire. Les capitaux dont elles disposent sont des capitaux qui leur sont prêtés à brève échéance, le plus souvent sous forme de dépôts qu’on peut retirer du jour