Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup plus de capitaux, il a fallu augmenter sensiblement notre matériel de production, créer de nouvelles usines, développer les anciennes.

Depuis dix ans, on a consacré en outre à la continuation de notre réseau de chemins de fer, à raison de 350 millions par an, 3 milliards 1/2.

On a dépensé pour le développement de nos chemins vicinaux, en argent seulement, sans compter les prestations en nature, à raison de 100 millions par an, soit 1 milliard.

Les travaux des villes, surtout cette transformation si rapide de la capitale, ont absorbé au moins 300 millions par an, soit en dix ans 3 milliards.

L’état lui-même, pour des besoins extraordinaires et imprévus, n’a pas emprunté, sous diverses formes, moins de 3 milliards 1/2, sans compter à peu près 3 milliards encore, absorbés par la progression du budget, qui a passé en dix ans du chiffre d’environ 1 milliard 500 millions à celui de 2 milliards 200 millions.

Puis sont venus les appels de fonds faits dans notre pays pour le compte de l’étranger (entreprises ou emprunts): ce n’est pas exagérer que de les évaluer à 2 milliards 1/2. On arrive ainsi à plus de 16 milliards, sans avoir fait la part des besoins nouveaux de l’industrie et de l’agriculture. A combien évaluerons-nous cette part? Un recueil des plus accrédités en Angleterre (the Economist) l’évaluait pour son pays à la moitié de l’épargne, c’est-à-dire à 60 millions de livres sterling ou 1 milliard sur 3 milliards d’épargne; évaluons-la modestement chez nous à 500 millions, cela fait pour dix ans 5 milliards, et en tout plus de 21 milliards. Voilà donc 21 milliards de capital extraordinaire qui ont été dépensés en dix ans en dehors des besoins ordinaires de la société. Je n’examine pas en ce moment la valeur de ces dépenses, je ne recherche pas quelles sont celles qui ont été utiles et celles qui ne l’ont pas été; je ne relève que le total, et je me demande si on a pu trouver dans le capital disponible une somme équivalente. Certes je suis de ceux qui évaluent au plus haut le progrès de la fortune publique depuis un certain nombre d’années, depuis que la France surtout a été sillonnée de chemins de fer; mais ce serait être très hardi, ce que les Anglais appellent sanguine, que de porter à 1 milliard ½ depuis dix ans l’épargne de chaque année; portons-la pourtant à ce chiffre, il donne 15 milliards en dix ans. Nous aurions donc dépensé 21 milliards pendant que nous en économisions 15; l’équilibre s’est trouvé rompu entre les ressources et les besoins; ces 6 milliards qu’on ne trouvait pas dans le capital disponible, il a fallu les prendre ailleurs, on les a empruntés ; de là le