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c’est le signe intermédiaire des échanges qui a été insuffisant pour répondre à tous les besoins. Il ne s’agit que de le multiplier et de le mettre en rapport avec les besoins. Que craint-on? Le papier mis en circulation, car il ne s’agit, bien entendu, que de papier, sera créé par un établissement très solide, par la Banque de France ou par tout autre qu’on voudra lui donner pour rival; il reposera sur les meilleures garanties, effets de commerce ou autres. Par conséquent il ne peut manquer d’être bien accueilli, et il mettra fin à une crise qui est purement artificielle, qui ne naît que de notre ignorance en matière de crédit et de la mauvaise administration de notre premier établissement financier, la Banque de France. Voilà ce qu’on disait déjà à l’époque de la crise de 1857; voilà ce qu’on a répété à satiété ces deux années dernières à propos des embarras d’argent que nous avons éprouvés. Nous ne disons pas qu’il n’y ait pas eu dans la dernière crise, comme dans celle de 1857, des embarras tenant particulièrement à l’argent; nous prétendons seulement que ce n’est pas là le caractère propre de la crise et qu’elle a été financière avant d’être monétaire. Par conséquent intituler la principale division des questions à faire dans l’enquête crises monétaires, c’est prendre un mauvais point de départ, c’est considérer comme admis ce qui est loin de l’être. Nous nous faisons fort de démontrer au contraire que, si la crise de 1863-64 a été monétaire, elle ne l’a été que par voie de conséquence; que ce qui a manqué d’abord, ç’a été en 1863 et 1864 comme en 1857, comme à toutes les époques de crises, le capital disponible. L’argent n’est devenu rare que parce qu’il suit la loi de ce capital, et ce n’est pas ici une querelle de mots, c’est une querelle de principes. Lorsque nous aurons démontré en effet que la crise de 1863-1864 a eu pour cause une insuffisance du capital disponible pris dans son sens le plus large, on verra tout de suite combien étaient chimériques tous les expédiens par lesquels on proposait d’étendre sous une forme ou sous une autre la circulation fiduciaire, c’est-à-dire le signe au lieu de la chose.

Lord Overstone, un des hommes les plus éclairés de l’Angleterre en matière de banque, a déposé dans l’enquête de 1857[1] que « toutes les grandes fluctuations d’intérêt provenaient d’un changement dans la valeur du capital, que celles qui provenaient de la quantité de la monnaie étaient très faibles comme étendue et comme durée. » En effet, une crise ne peut être purement monétaire que dans un cas, c’est dans celui où par suite d’une mauvaise récolte, du

  1. Voyez l’enquête de 1857 sur la question des banques en Angleterre, extraits traduits par MM. Coullet et Juglar, p. 9.