Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quête, on crut qu’il s’agissait de porter l’investigation sur toutes les institutions de crédit, et, chose bizarre, c’est l’institution même d’où était parti le premier mot d’enquête qui eut le plus à souffrir de ce premier moment de méprise. Le Crédit mobilier baissa de 10 francs à la bourse qui suivit l’annonce de l’enquête, ce qui fit dire malicieusement à quelques personnes que c’était un commencement d’enquête. On comprit bien vite pourtant qu’il ne s’agissait pas d’un acte d’accusation à dresser contre telle ou telle institution de crédit, pas plus contre la Banque de France que contre une autre, que personne n’était en cause, qu’on voulait tout simplement, par le moyen le plus efficace, chercher à éclairer une des questions les plus importantes du jour et sur laquelle les idées sont le plus erronées, celle du crédit.

Aussitôt l’enquête annoncée, il y eut comme une espèce de trêve entre les parties qui se disputaient. Personne n’espéra plus remporter la victoire de haute lutte, et on se donna rendez-vous devant l’enquête. Une autre raison peut-être plus puissante contribua aussi à l’apaisement des esprits, ce fut l’abaissement du taux de l’escompte. Au moment où se prononçait pour la première fois le mot d’enquête, l’escompte était à 7 pour 100 : il resta à peu près au même taux pendant tout le temps que se produisit la petite agitation contre la Banque; mais, au moment où l’enquête fut annoncée, il n’était déjà plus qu’à 5 pour 100, et peu de temps après il descendait à 4. Il sembla alors qu’on n’avait plus d’intérêt à l’enquête; chacun avait oublié le mal dont il avait souffert, et avec l’imprévoyance qui caractérise la nature humaine, comme si on ne devait plus jamais se retrouver dans la même situation, on ne pensa plus au remède. Le gouvernement cependant n’oublia pas son enquête, il nomma la commission qui devait la diriger ce fut le conseil supérieur de l’agriculture et du commerce, sous la présidence de M. Rouher. Aussitôt nommée, la commission se mit en devoir de rédiger le questionnaire destiné aux personnes qu’elle se proposait d’entendre. Malheureusement, lorsque l’enquête aurait pu commencer, on fut obligé de l’ajourner pour diverses raisons. On l’ajourna d’abord sur la demande des négocians qui avaient accusé la Banque, et qui, invités à venir formuler leurs griefs, déclarèrent qu’ils n’étaient pas prêts et demandèrent un mois de sursis, ce qui était assez étrange, car enfin du moment qu’on accuse, on doit toujours être en mesure de produire son accusation. Le sursis d’un mois écoulé, on ajourna encore, parce qu’on se trouvait en pleine discussion de l’adresse et que M. Rouher, qui avait à diriger l’enquête, devait aussi, devant le corps législatif, répondre pour le gouvernement aux orateurs de l’opposition. Après la discussion de