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de tout ce qu’avait fait Patrick depuis son arrivée en Érin, de la manière dont il avait tué les vivants et ressuscité les morts, et quand ils virent Laeghaire et ses druides domptés par les grands signes et par les miracles qui s’étaient accomplis, ils se courbèrent en obéissance à la volonté de Dieu et de Patrick ; puis Laeghaire dit : « Il est nécessaire pour vous, hommes d’Érin, que toutes les lois soient révisées et arrangées par nous aussi bien que celle-ci l’a été. — Il serait bien d’agir ainsi, » dit de son côté Patrick.

« C’est alors que Dubhthach reçut l’ordre de produire tous les jugements, toute la poésie d’Érin, et toutes les lois qui avaient prévalu parmi les hommes d’Érin comme lois de nature, les décrets des voyants, les jugements de l’île d’Erin et les vers des poètes.

« Il avait été prédit que la parole pure de la bénédiction serait entendue en Érin et que les canons y seraient apportés. Jusqu’alors c’était l’Esprit Saint qui avait parlé et qui avait prophétisé par la bouche des hommes justes qui étaient jadis dans l’île d’Érin, comme il avait prophétisé par la bouche des grands prophètes et des nobles pères de la loi patriarcale, et la loi de nature prévalut tant que la loi écrite ne fut pas connue.

« Maintenant les jugements de la vraie nature que le Saint-Esprit avait fait rendre par la bouche des brehon et justes poètes des hommes d’Érin, depuis la première occupation de cette île jusqu’à ce qu’elle eût connu la foi, furent soumis à Patrick par Dubhthach, et tout ce qui n’était contraire ni à la loi écrite du Nouveau Testament ni aux consciences des croyants, fut confirmé dans les lois des brehon par Patrick, par les ecclésiastiques et par les chefs d’Érin, car la loi de nature avait eu parfaitement raison, sauf en ce qui touche la foi, ses devoirs et l’union de l’église et du peuple. Et c’est cela qui est le Senchus-Mor.

« Neuf personnes furent désignées pour écrire ce livre : Patrick, Benen et Cairnech, trois évêques ; Laeghaire, Corc et Daire, trois rois ; Rosa, c’est-à-dire un maître de jurisprudence, Dubhthach, c’est-à-dire un docteur du bérla-feini, et Fergus, c’est-à-dire un poète.

« Ceci est le Cain-Patrick, et pas un brehon vivant des Gaeidhil n’a le droit de changer aucune des choses qui se trouvent dans le Senchus-Mor.

« Le Senchus des hommes d’Érin, qui l’a conservé ? La mémoire des anciens, la tradition d’une oreille à une autre oreille, les compositions des poètes, l’addition de la loi de la lettre et la force de la loi de nature.

« Dans le Senchus ont été établies des règles pour le roi et pour les hommes de son sang, pour la reine et pour les non-reines, pour le chef et pour le dépendant, pour le riche et pour le pauvre, pour le prospère et pour le malheureux.

« Dans le Senchus ont été établis des dommages pour chacun suivant sa dignité, car le monde était dans l’égalité avant que le Senchus-Mor fût écrit.

« Dans le Senchus ont été établis des dommages égaux pour le roi, pour l’évêque, pour le chef de la loi écrite, pour le chef poète qui improvise et pour les chefs auxquels un dommage est dû à cause de l’étendue de leurs terres et qui ont leur fortune légale et leur chaudron toujours plein.

« Dans le Senchus, il a été pourvu à ce que le bien n’allât pas aux méchants, ni le mal aux bons.