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de pairs catholiques; je ne veux pas faire ce que ce bill me donne le pouvoir de faire. Je ne reviendrai plus. Qu’ils prennent Clarence, s’ils veulent un roi catholique! » Retourner dans le Hanovre était la menace traditionnelle de la famille dans les momens de grande difficulté, et le signe ordinaire d’une prochaine concession. Le soir fort tard, le duc de Wellington reçut une lettre par laquelle le roi lui disait que, prévoyant la difficulté de former une autre administration, il consentait à la présentation du bill; mais Peel ne voulut s’y hasarder qu’autant qu’il aurait la promesse de la sanction, il l’obtint, et le lendemain il dit à la chambre : « Je me lève comme ministre du roi, et soutenu par la juste autorité qui appartient à ce titre, pour défendre le conseil donné à sa majesté par un cabinet uni dans la même pensée. » Ce conseil était celui d’émanciper six millions de catholiques, et il fut adopté, après une sérieuse discussion dans l’une et l’autre chambre, par une majorité plus forte qu’on n’avait osé l’espérer. Toutes les fractions de l’opposition soutinrent le ministère, sans compromettre son projet par leurs exigences ni même par leurs éloges. Ainsi fut consommée cette grande réparation aux principes sacrés de la liberté religieuse; mais ce fut surtout le droit qui remporta la victoire. Les avantages que la politique avait espérés dans l’intérêt de l’ordre.et de la tranquillité ne furent qu’en partie réalisés, et, cédant à des ressentimens plus légitimes dans leur origine qu’éclairés dans leur persistance, les catholiques, du moins ceux d’Irlande, ont médiocrement répondu à ce que la liberté anglaise avait fait pour eux.

Il n’en est pas moins vrai que la sagesse même inspira les auteurs de l’acte mémorable du 13 avril 1829. Ils agirent en hommes d’état, et la haine seule a pu suspecter les motifs d’une détermination qui devait coûter beaucoup à leur orgueil, à leurs croyances, à leurs affections, à leurs intérêts, car c’est sur eux que se vengea l’impuissance de leurs ennemis. On n’avait pu entraver le succès du bill dans les chambres; on cessa presque de l’attaquer pour s’en prendre à ceux qui l’avaient conçu. Le déchaînement contre Wellington en particulier fut tel que, peu habitué aux outrages de son parti, il crut devoir venger son caractère les armes à la main, et se battit avec lord Winchelsea pour le réduire à rétracter une imputation offensante. On voit dans les mémoires de Peel avec quelle amertume il ressentit les injustices dont il fut l’objet. Il ne s’en montra pas ébranlé il était destiné à braver de bien autres colères encore. Son mérite propre, le trait caractéristique de sa conduite, c’est que, bien qu’il s’accuse avec beaucoup de modestie d’avoir peut-être cédé trop longtemps à des préjugés irréfléchis, il n’a pas plus que lord Wellington été amené à les mettre en oubli par un