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tenu avec tant de persévérance et d’habileté, et l’avocat catholique fut élu à plus de 2 voix contre 1. Il devenait bien difficile de maintenir dans une condition d’incapacité politique la masse de ses coreligionnaires. Ces faits significatifs frappèrent également et en même temps l’esprit droit de Wellington et la haute sagacité de Peel. Nous avons du dernier une confidence sincère et détaillée. Ses Mémoires nous font connaître la manière dont se forma sa conviction. Dès la fin de la session, il avait reconnu que la question des catholiques ne pouvait plus rester une question ouverte. Si l’on voulait résister à leurs réclamations, on serait bientôt obligé d’employer la force, et comment le faire avec un ministère et un parlement divisés? Si l’on renonçait à la résistance, c’était un changement de principe et une résolution à prendre. Le premier parti n’était pas absolument impraticable. On aurait pu, en échauffant les esprits en Angleterre, se donner l’appui de l’opinion populaire; mais, disait le duc de Wellington, c’était la conquête de l’Irlande à refaire pour y réussir, il fallait recomposer l’armée, où les Irlandais étaient en grand nombre, et il déclarait qu’il ne voulait à aucun prix commander la guerre civile. La première idée de Peel avait donc été de donner sa démission et d’appuyer librement les mesures d’apaisement que le ministère jugerait à propos d’adopter; mais Wellington lui représenta qu’il ne pouvait, sans son concours officiel, vaincre l’opinion puissante qu’il faudrait affronter, surtout la résistance déclarée du roi et des lords. De quel droit exiger de George IV qu’il fit à la politique la concession de ses scrupules, si Peel ne donnait pas l’exemple en sacrifiant les siens? Peel résolut donc de rester et de faire tête à l’orage. Il dit, et quiconque a touché aux affaires publiques le croira sans peine, que cette détermination fut pour lui la source des épreuves les plus amères, des ruptures les plus pénibles, mais que jamais il n’eut de doutes sur la pureté et la solidité des motifs qui la lui avaient dictée. Pour assurer le succès, les deux ministres devaient garder un profond secret. Plusieurs incidens contribuèrent même à donner le change sur leurs intentions. Ainsi au mois d’août le duc de Clarence, l’héritier présomptif de la couronne, qui, depuis Canning, tenait l’office de lord grand-amiral, et que cette qualité mettait avec l’amirauté dans une relation médiocrement constitutionnelle, se retira sur une question d’attribution, et il passait pour plus favorable aux catholiques que son frère. Vers le même temps, lord Anglesey, dont on louait l’impartiale administration, fut obligé de quitter l’Irlande pour un procédé qui avait blessé le duc de Wellington. Le parti protestant continua donc d’être trompé sur les desseins du gouvernement, et il le lui a reproché plus tard avec une grande amertume. Ce fut au reste à la fin de l’année seulement que la question fut portée de-