Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à composer un ministère, il le choisirait favorable aux catholiques. Qu’il devînt donc premier lord de la trésorerie, et il portait de ce côté toute son influence; la proportion des forces changeait dans le cabinet. La question n’était plus une question ouverte que de nom; elle était moralement décidée contre le privilège protestant. Au vrai, Canning ne pouvait être le chef que d’une nouvelle administration. Dès longtemps suspect à l’ultratorisme, il s’était fait des ennemis par la légèreté de sa conversation, par les dédains de son esprit; il avait des admirateurs et des amis, mais point de parti, et cet homme de lettres était un homme nouveau dont la grande aristocratie répugnait à subir la domination.

Cependant les affaires marchaient toujours. Le gouvernement avait demandé que la chambre prit en considération la révision de la législation sur les grains; Canning avait justifié la motion en annonçant un abaissement de tarif au grand scandale de tous les propriétaires des comtés. Il n’avait pu empêcher sir Francis Burdett de proposer prématurément l’émancipation des catholiques. La chambre avait encore assisté au duel de parole entre Peel et lui, et elle avait donné l’avantage au premier; mais la majorité n’était que de quatre voix.

Canning, sans exiger précisément le titre de premier (the premiership), était décidé à ne point souffrir qu’il fût donné à un adversaire des catholiques, et il proposait d’élever M. Robinson à la pairie et de le mettre à la tête de la trésorerie; mais Peel, sans disputer ce poste à personne, déclarait qu’il se retirait, si le chef du cabinet était favorable aux catholiques. Chargé des affaires d’Irlande comme ministre de l’intérieur, il devait être en plein accord sur cette question vitale avec son supérieur officiel. On savait que lord Wellington avait dans les mêmes conditions annoncé sa retraite il siégeait dans le conseil comme grand-maître de l’artillerie, et la mort du duc d’York venait d’ajouter à ses titres celui de commandant en chef de l’armée. Canning sentait bien que l’opposition d’un tel personnage et celle de Peel ne lui permettaient pas de composer une administration à son gré, à moins qu’elle ne fût démontrée la seule possible. Il avait donc conseillé au roi d’en former une exclusivement d’anticatholiques. Le roi n’osait; il n’aurait probablement pas trouvé de ministres à cette condition. Il se bornait à indiquer le duc de Wellington comme un chef convenable; mais celui-ci ne s’y prêtait pas, et Canning s’y refusait. Fatiguée de ces retards, la chambre des communes, sur une motion de Tierney, annonça la suspension de ses travaux tant que l’administration ne serait pas reconstituée. Le roi fit alors appeler Canning (10 avril 1827). Je l’ai entendu rendre compte à la chambre des négociations ministérielles, et dire qu’il avait exposé au roi la situation des af-