Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que, d’après le dernier rapport officiel, la France, avec une population de 37,382,225 âmes, envoyait dans ses écoles publiques et privées I 4336,368 enfans, soit 116 élèves par 1,000 habitans, ou 1 par 8,6 âmes.

On ne peut s’imaginer avec quelle ardeur les Américains s’efforcent de faire avancer l’instruction du peuple dès qu’ils s’aperçoivent qu’elle est en retard. J’en citerai un exemple entre mille. La ville de Chicago, dans l’Illinois, le grand entrepôt des blés de l’ouest, tout entière d’abord aux soins de son prodigieux développement matériel, avait un peu négligé de bâtir des écoles pour sa population sans cesse croissante. L’attention publique s’éveille le mal est signalé, chacun en comprend la gravité, et on se met à l’œuvre pour y porter remède avec une admirable énergie. En 1851, il n’y avait place que pour 1,700 élèves; en 1863, il y en avait pour 11,000, et tout était occupé. Aux États-Unis, quand on crie à l’ignorance! c’est comme lorsqu’on crie au feu! chacun accourt pour combattre le fléau, et on ne s’arrête que quand il est vaincu.

En matière d’enseignement comme en bien d’autres, la grande question est celle du budget. En Europe, l’aveugle parcimonie des gouvernemens, si prodigues pour leurs armées, est le principal et peut-être le seul obstacle à la diffusion de l’instruction. On comprend aussitôt qu’aux États-Unis, où le salaire du manœuvre est d’au moins 1 dollar par jour, on ne peut instruire tant de millions d’enfans, payer tant de centaines de milliers d’instituteurs, bâtir chaque année tant de milliers d’écoles, sans d’énormes sacrifices. A vrai dire, on n’y épargne rien, parce qu’on sait qu’il n’est point d’avances qui rapportent de plus grands profits. Ici encore l’Amérique a fait le contraire de ce qu’avait fait l’Europe. Dans les sociétés européennes, où dominaient les idées aristocratiques, on s’est occupé depuis longtemps d’organiser à grands frais un enseignement qui pût donner aux enfans des classes aisées les connaissances dont ils avaient besoin, et l’on abandonnait le soin d’instruire le peuple au zèle du clergé ou à la charité des particuliers. En Amérique, où l’état social était démocratique, on a d’abord organisé l’instruction du peuple aux frais du public, et on a laissé au clergé et aux particuliers le soin de fonder les établissemens que réclamait la culture scientifique des classes supérieures. De ce côté-ci de l’Atlantique, l’état a payé pour ceux qui pouvaient le faire eux-mêmes, tandis que de l’autre il a payé pour ceux qui ne le pouvaient pas. Il est difficile de ne pas trouver ce dernier système meilleur. Les Américains l’ont compris, et les sommes que les particuliers consacrent volontairement l’enseignement supérieur sont énormes, Ils ne connaissent point ce respect outré de l’hérédité qui fait croire qu’un