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meeting consacré à la discussion. Chacun a le droit de parler tour il tour sur la question portée à l’ordre du jour: c’est le régime parlementaire à l’usage des maîtres et des maîtresses d’école. Souvent les habitans de la ville où l’assemblée a lieu offrent l’hospitalité aux jeunes aspirans des deux sexes, et l’état paie une partie de leurs frais de voyage. Tout le monde comprend que l’instruction du peuple est le suprême intérêt de la nation, et chacun est heureux de contribuer à en favoriser les progrès.

La méthode suivie en Amérique pour former des instituteurs peut paraître étrange, mais elle est en rapport avec les mœurs et les institutions du pays. On veut leur donner les qualités qu’on tient à répandre dans la nation la confiance en soi, l’initiative individuelle, le sens pratique et l’habitude de la parole. Qu’on ne l’oublie point, la parole est le ressort des états libres, comme la force est celui des gouvernemens despotiques. La discussion et le vote, tel est le mécanisme au moyen duquel s’exprime la volonté nationale. Or, quand tous prennent part à l’administration des affaires publiques, il convient que chacun puisse dire ce qu’il pense et démontrer ce qu’il dit. L’étranger s’étonne de rencontrer aux États-Unis dans chaque homme un orateur bon ou mauvais, et d’entendre des ouvriers exposer leur pensée avec une parfaite netteté ils l’ont appris sur les bancs de l’école. Partout où l’on verra la moitié des instituteurs se lever pour défendre au prix de leur sang une noble cause et l’unité de la patrie, on pourra dire que du moins on en a fait des hommes, et qu’ils sauront en former à leur tour. Ce qui leur manque d’expérience est largement compensé, affirme-t-on, par cette énergie, cette activité, ce besoin de bien faire qui est propre à la jeunesse. L’action assoupissante de la routine est absolument bannie une vie nouvelle est constamment infusée dans le corps enseignant, qui est ainsi en rapport avec cette jeune et vigoureuse nation où tout change et se meut sans cesse.

Maintenant qu’enseigne-t-on dans les écoles primaires américaines D’abord, comme partout, à lire, à écrire et à calculer, — ensuite, beaucoup trop même, dit-on, de géographie, connaissance bien nécessaire pourtant à un peuple qui a tout un continent pour territoire et deux océans pour frontières, et qui, placé entre l’Europe et l’Asie, fait d’immenses échanges avec le monde entier, — un peu de géométrie et de dessin linéaire, surtout appliqué à l’arpentage et aux constructions, — quelques notions de chimie agricole et industrielle, d’astronomie, de physiologie[1] et de droit constitu-

  1. Un livre excellent en son genre, l’Histoire d’une Bouchée de pain, de M. Jean Macé, montre comment ces sciences peuvent être mises à la portée même des petites filles.