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thousiasme de Canning, devenu premier ministre, sembla éveiller l’esprit sensé et alerte de lord Palmerston et le convier à la vie politique active. Lord Palmerston était appelé à être l’un des membres les plus brillans de la petite phalange d’élite dévouée à Canning. Ce fut alors qu’il entra dans le cabinet et annonça une vocation plus haute que celle qu’on lui avait attribuée jusque-là. Canning mort, il fit naturellement partie du court ministère des amis de Canning présidé par lord Ripon. Il entra aussi dans le cabinet du duc de Wellington, mais il en sortit bientôt avec M. Huskisson. Les avisés, et lord Palmerston en était, sentaient dès lors que le vieux système électoral n’était plus tenable. On était forcé d’enlever la franchise parlementaire à quelques bourgs pourris, et les libéraux voulaient que l’on transportât aux grandes cités industrielles la prérogative retirée aux bourgs devenus indignes. Les canningites qui faisaient partie du cabinet votèrent avec l’opposition. Cette démarche força M. Huskisson et à sa suite lord Palmerston de sortir du ministère. Dès ce moment fut posée la candidature de lord Palmerston à des fonctions plus hautes que celles où il s’était jusqu’alors renfermé. Dans l’héritage libéral de Canning, ce fut la politique étrangère qu’il choisit. Les affaires extérieures étaient une sorte de terrain neutre qui convenait bien à un homme politique qui rompait ses liaisons avec les tories pour contracter une prochaine alliance avec les whigs. Du temps de Canning, cette alliance des tories à l’esprit ouvert et aux tendances modernes avec le libéralisme whig s’était déjà préparée, et eût été consommée peut-être sans l’obstination hautaine de lord Grey. Lord Palmerston, incliné par son bon sens à cette union, vivait d’ailleurs dans le milieu social le plus favorable au rapprochement de l’élite des deux partis. Il était l’ami de M. Lamb, le lord Melbourne des années suivantes, dont il devait plus tard épouser la sœur, la comtesse Cowper, un politique qui, ministre, n’a point donné la mesure d’une grande valeur, mais qui, homme du monde et caractère propre à concilier les partis dans une époque de transition, a laissé après lui à la société anglaise comme un parfum d’exquise aménité d’esprit. À cette époque, le ton de lord Palmerston dans les débats parlementaires s’élève. Ceux qui ne connaissent que son éloquence récente, toute pratique, familière et joviale, seraient surpris à la lecture des discours cadencés qu’il prononçait en menant sa barque du rivage tory au port whig. Il y a des modes de discours comme d’habits. La politique était alors un peu solennelle dans son langage, elle ne dédaignait pas la rhétorique et s’accommodait même d’une pointe de métaphysique. Il ne fut point inutile à lord Palmerston d’avoir été l’insouciant élève de Dugald-Stewart. Qu’on en juge par cette phrase d’un discours prononcé à la fin de la session de 1829, discours qui le désigna comme un futur ministre des affaires étrangères. La phrase, toute doctrinaire qu’elle est, n’a rien perdu de son utile enseignement. « Il y a deux grands partis en Europe, disait Palmerston, un qui s’efforce de dominer par la puissance de l’opinion publique, un autre qui s’efforce de dominer par