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des parties, leurs relations. L’effet vient de la structure; la fonction de l’animal lui est assignée par son organisme elle en est une conséquence, non un principe... La nature n’a aucun égard à l’usage des parties; elle les établit d’après un plan, d’après un type, sans en prévoir ni en désirer l’usage. » Voilà les véritables points du débat l’idée de la fonction d’une part, l’élément anatomique de l’autre; pris comme point de départ dans la comparaison des êtres et poussés aussi loin que possible par deux esprits également intraitables et vigoureux; — en outre, chez Geoffroy Saint-Hilaire, l’analogie entre les êtres portée jusqu’à son dernier terme, la suppression des différences fixes et des limites immuables; chez Cuvier, la défense énergique de la notion d’espèce. Au fond, il semble bien que ce qui rend ces deux esprits et ces deux écoles irréconciliables, c’est moins une question de méthode qu’une question métaphysique vaguement entrevue sous l’autre. La métaphysique explique bien des choses, et on la retrouve, cachée souvent avec un soin inutile, dans les discussions purement scientifiques où elle nous aide à comprendre les passions opiniâtres, violentes, qui se mêlent à la recherche du vrai et en troublent à chaque instant l’heureuse impassibilité. Ce qui effraie Cuvier, ce qui le sépare de son adversaire, c’est l’extension menaçante donnée par Geoffroy Saint-Hilaire à l’idée d’unité. Au terme de cette tendance exagérée, si rien ne la combat et ne la contient, il n’y a pas moins que l’idée d’une substance unique, dont toutes les formes variées des êtres particuliers ne sont que des modifications passagères, et qui ne se révèle que par ses métamorphoses.


IV.

Cette conclusion, Geoffroy Saint-Hilaire n’y arrive pas. Il est trop pénétré de l’esprit positif pour permettre à des conceptions. purement métaphysiques d’intervenir directement dans ses travaux mais admirez comme cette tendance, commune à Geoffroy Saint-Hilaire et à Goethe, se développe chez le poète, que ne retiennent ni les mêmes scrupules, ni les mêmes devoirs scientifiques C’est ici que nous pourrons voir à l’œuvre deux esprits bien distincts, que l’on rencontre souvent dans Goethe et qui viennent se confondre dans ses conceptions sur l’unité de type, sur l’origine commune et les perpétuelles transformations des êtres. Il y a, chez lui, un naturaliste excellent, rempli de sagacité, pénétrant et ingénieux. Il y a en même temps un philosophe trop pressé de conclure et qui conclut selon ses instincts et ses prédilections. Des deux sens qui, réunis et contrôlés l’un par l’autre,-forment l’art suprême de