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évidemment très satisfait, date du 14 septembre 1791, vingt ans plus tôt. Voici sa note, conservée au ministère des affaires étrangères, à Stockholm; elle a six grandes pages et bien peu d’argumens; mais tout n’est-il pas racheté par cette magnifique péroraison: « Sire, vous êtes invoqué comme l’ange tutélaire de la France, comme le restaurateur du trône, des autels et de l’antique noblesse. Sire, plus de lauriers sont préparés en France à votre front que n’en ont cueilli les Vasa, les Adolphe. Déjà les côtes de Normandie sont couvertes d’yeux ouverts sur l’arrivée de vos flottes!... » Notons-le en passant, ce spécimen du style qu’employait la diplomatie contre-révolutionnaire n’est pas mauvais à recueillir. — Que le parti des princes fût ou non redevable à M. d’Escars de ce succès, il est certain que le traité de Drottningholm, une fois conclu avec la Russie le 19 octobre, donnait à Gustave III plus de liberté, et lui inspirait en même temps, avec l’espoir affermi de l’alliance russe, une nouvelle ardeur. La présence d’un représentant des princes accrédité à sa cour et l’imperturbable confiance de ce représentant ne pouvaient que le fortifier dans l’excès de sa présomption.

Autres étaient cependant les informations et les avis de l’honnête Fersen. De Prague, où il avait été pour presser l’empereur, il mandait à Gustave III, le 21 septembre, le détail de ce qui s’était passé à Pillnitz, la mauvaise conduite du comte d’Artois, la légèreté et les inconséquences de M. de Calonne, qui avaient effrayé le roi de Prusse. « En tout, disait-il, on n’a pas confiance dans les princes, et l’empereur moins qu’un autre. Les intrigues dont leurs entours sont occupés à Coblentz causent ces divisions. Je crois qu’il serait utile que votre majesté ne mît jamais les princes en avant vis-à-vis de l’empereur, car il paraît décidé à agir sans eux, par une ligue des puissances où ils ne seraient qu’auxiliaires. » Il ajoutait « Je crois mon séjour à Coblentz inutile, et je ne m’arrêterai près des princes que pour leur faire ma cour. Votre majesté sait d’ailleurs que je n’y suis pas persona grata; tous les entours seront charmés de me voir partir. Si je puis être utile, c’est à Bruxelles. » Cela veut dire que, dans sa pensée, c’était de Bruxelles que Fersen pouvait renouer avec la famille royale les relations interrompues depuis Varennes. Nous voyons par une lettre de Stedingk à Gustave III, en date du 10 octobre, les efforts qu’avait faits Marie-Antoinette, dès qu’elle n’était plus gardée à vue, pour reprendre ses correspondances au dehors. « Le comte Esterhazy, dit-il, a reçu à Pétersbourg de la reine de France une lettre qui fait le plus grand honneur à son cœur et à son esprit. Elle emploie les premiers momens de sa liberté à s’occuper de ses amis et à les encourager. Elle dit que tout ce qu’elle a fait, elle a été forcée de le faire pour