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diplomatique, dont les plans se mêlaient et se combattaient tour à tour, complication peu favorable au difficile enfantement de la coalition étrangère, et fidèle image de l’inextricable embarras dit moment.

M. d’Escars, dans le récit de ses impressions en arrivant en Suède, a une façon d’enfant terrible qui se combine singulièrement avec sa fonction d’ambassadeur.


« J’avais laissé, dit-il, les princes et leurs amis dans la persuasion que je trouverais tout d’abord à Stockholm une flotte prête à embarquer une armée bien vêtue, bien armée, et pourvue de toutes les munitions nécessaires à une grande expédition sur les côtes de Normandie ou de Bretagne. Quand je fus à la recherche de tous ces préparatifs, je découvris qu’ils n’existaient que dans la tête du roi: le trésor ne renfermait pas un thaler qui pût y être employé; Gustave III avait compté et comptait encore sur quelques millions qu’il demandait à l’Espagne, et sur les subsides qu’il tirerait de la Russie lorsqu’il aurait rendu positive et durable la paix préliminaire de Verela. Aussi les deux recommandations les plus expresses qu’il débuta par me faire furent de me lier le plus intimement possible avec le comte de Stackelberg et le ministre d’Espagne. — Stackelberg, qui avait été proconsul à Varsovie, où il avait nagé dans les honneurs et les plaisirs, se mourait d’ennui à cette cour. Son fils Gustave était avec lui; il avait été élevé en France, et dans les voyages de Fontainebleau je l’avais fréquemment vu chez mon frère. Stackelberg aimait la bonne chère et n’y connaissait rien. Il me consulta, et je rendis la sienne plus supportable. Quant au ministre d’Espagne, nous fûmes bientôt liés de société: c’était un brave gentilhomme biscaïen, l’honneur en chausses et en pourpoint, prêt à se faire. hacher pour la casa di Borbone. »


On voit que d’Escars n’avait pas perdu son temps. Sa propagande en politique et en cuisine, le dénûment de son héros Gustave III, l’ennui de ce diplomate russe qui redemandait Varsovie pour y nager dans les plaisirs, c’est toute la physionomie de la contre-révolution peinte par l’un de ses plus naïfs adeptes. Il se vante assurément lorsqu’il s’attribue le succès enfin obtenu de la longue négociation ouverte entre la Suède et la Russie depuis la paix de Verela. A l’en croire, c’est lui qui décida Gustave III à traiter à tout prix. « Je lui rédigeai une note vigoureuse, dit-il sachant bien que de jouer un rôle dans les affaires de France était sa marotte, je le peignis à lui-même tel qu’il serait sans l’alliance de la Russie; mais ce qui attaqua sensiblement son amour-propre, ce fut de lui montrer tous les yeux de la Bretagne et de la Normandie fixés sur les côtes, attendant l’arrivée de ses flottes et de sa personne royale!... » M. d’Escars a la mémoire bonne il écrit ces lignes vers 1810, et ce beau mouvement d’éloquence, doit il a été