Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ration commune engageant toutes les puissances devait précéder tout manifeste des princes, et qu’on n’avait pas encore le consentement de toutes les cours. Tout en permettant aux officiers et soldats français réfugiés dans ses états d’y rester, il ne pouvait permettre à des régimens de s’y former avant que l’entente commune entre les puissances eût permis de faire les principales dispositions militaires. Il déconseillait en outre la déclaration de régence de Monsieur, voulant ainsi réserver à Louis XVI ses droits et sa liberté d’action. D’ailleurs les lettres intimes de Léopold dévoilaient ses vrais sentimens à l’égard des princes et du roi de Suède. « Ne faites rien de ce que les Français vous demanderont, écrivait-il à sa sœur, gouvernante des Pays-Bas, hors des politesses et dîners; mais ni troupes, ni argent. Je plains leur situation; mais ils ne pensent qu’à leurs idées romanesques et à leurs vengeances et intérêts personnels, croient que tout le monde doit se sacrifier pour eux, et sont bien mal entourés, témoin les papiers de M. de Bouillé et de Calonne. On dit le roi de Suède retourné chez lui; tout cela n’est derechef qu’une rodomontade de sa part. »

Gustave III n’avait pas négligé d’écrire aux autres cours. Sa lettre à Carisien, ministre de Suède auprès de Frédéric-Guillaume II, et son mémoire au roi d’Espagne (3 et 16 juillet 91) offrent les variantes curieuses de son thème héroïque. « Je regarde la révolution, mande-t-il au premier, comme le danger le plus imminent pour la tranquillité de l’Europe. Je sens ce danger plus fortement que jamais depuis les affronts faits à la dignité royale dans la personne de Louis XVI. Je crois avoir eu assez de fermeté pour parer les périls qui m’environnaient; mais je ne vous cacherai pas que j’en crains le retour, si l’impunité autorise un si funeste exemple dans un pays qui a été si longtemps en position de donner le ton à l’Europe. » Gustave ne se dissimulait pas d’ailleurs que le roi de Prusse réglerait sa conduite sur celle de l’empereur. Du roi d’Espagne, chef de la maison de Bourbon, il attendait, outre un contingent militaire, une somme de 12 millions de livres pour les premiers six mois de la guerre, s’engageant, sur sa foi de roi et sa parole de gentilhomme, à n’employer ces fonds qu’à l’objet auquel ils étaient destinés la France ne manquerait pas de rembourser à l’échéance les sommes avancées pour son bien. La réponse du roi d’Espagne ne tarda pas elle est datée du 3 août. Les circonstances ne sont plus les mêmes qu’il y a un mois, écrit Charles IV; le roi va être mis en liberté pour accepter ou refuser la constitution; il faut attendre ce moment et soutenir Louis XVI alors, si ses sujets résistent aux modifications qu’il pourrait vouloir. On doit réfléchir d’ailleurs sur les difficultés d’une guerre au milieu d’un peuple en-