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Il y a une tristesse réelle et une sorte d’amertume dans toutes ces pièces à Rosita Rosa en dépit des fanfares du poète et de ses airs triomphans. C’est qu’avec cet amour il fait l’apprentissage de l’insécurité des passions et de l’inconsistance du pauvre cœur humain : aussi, de même que l’inspiration des Etoiles filantes résume bien toutes les chansons adressées à Jeanne, la belle pièce intitulée l’Oubli est le résumé et la légitime conclusion des chansons adressées à dona Rosita.

Vous aurez remarqué, j’espère, malgré les imperfections de notre analyse, quelle logique savante a présidé à l’ordonnance du livre et avec quelle habile lenteur le poète a déroulé progressivement toutes les parties de son sujet. Plus j’examine le nouvel ouvrage de M. Hugo et plus je suis frappé d’une certaine analogie entre sa composition et la composition de cet adorable petit chef-d’œuvre d’Horace l’Ode à Sestius. Aurions-nous touché juste, et M. Hugo aurait-il pris dans l’ode d’Horace la semence de son inspiration ? Les Chansons des Rues et des Bois, c’est l’Ode à Sestius regardée à travers un microscope d’une portée exagérée et étirée en cinq cents pages par un procédé particulier. Chacune des strophes de la petite ode d’Horace a fourni, dirait-on, le type d’une des parties du livre de M. Hugo. Nous avons vu dans les deux premières parties le solvilur acris hiems gratâ vice ; nous venons de voir dans les trois parties suivantes le jam Cytherea choros ducit Venus, nous allons voir dans les deux dernières le nunc et in umbrosis Fauno decet, et enfin la sévère et grande pensée : pallida mors œquo puisat pede. Il est possible que cette analogie ne soit qu’une coïncidence du hasard ; mais elle est curieuse à ce titre, et nous la signalons comme on signale celles des prophéties de Nostradamus qui se sont accomplies à l’heure voulue.

M. Hugo a bien senti qu’il devait donner à un tel livre une autre conclusion morale que, celle de la pièce intitulée : Post-scriptum des rêves, où, après une leçon de philosophie démoniaque, d’un Asmodée quelconque, il se demande si les sages ne font pas un métier de dupe, et s’il y a au fond de cet univers autre chose pour l’homme que le plaisir. Asmodée aurait beau avoir raison, qu’il aurait encore tort, car son équivoque philosophie ne peut être vraie que pour un moment très rapide de la vie. Encore une fois, M. Hugo a donc par avance répondu à la critique en refusant de laisser son lecteur sous l’impression de scepticisme épicurien que ses nombreuses peintures érotiques n’auraient pas manqué de produire. Une pièce qui forme presque à elle seule tout un livre, le Chêne du parc détruit, très habilement intercalée au milieu des scènes de jeunesse, est chargée de nous préparer à cette conclusion. Il en est de cette pièce comme de celle des Étoiles filantes que