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belle, la plus irréprochable du livre. M. Hugo n’a pas permis à cet espiègle esprit de facétie qu’il a lâché en toute liberté dans le reste de son livre d’approcher de ce petit domaine sacré réservé à la solennité de ses rêves. Vous vous rappelez ce chant délicieux du Songe d’une Nuit d’Été où les fées protègent par leurs incantations le sommeil de leur reine contre les méchantes bêtes de la nuit ; M. Hugo a semblé s’en souvenir et se le réciter en pensée en écrivant cette partie de son livre. Calembours grivois, n’approchez pas, car ici tout est chasteté ; antithèses violentes, rentrez vos cornes, car ici tout est douceur ; épithètes turbulentes, taisez-vous, car ici tout est tendresse ; mais toi, colombe doucement gémissante, et toi, rossignol à la voix triomphante, entrelacez les notes de votre musique à la trame de mon chant. Il y a là telle strophe qui ne déparerait aucune des plus belles expressions de la ferveur sensuelle et de la mysticité érotique.

L’hirondelle sur ton front pur
Vient si près de tes yeux fidèles
Qu’on pourrait compter dans l’azur
Toutes les plumes de ses ailes.

Si vous avez admiré le sentiment mystique de telle peinture des vieux maîtres primitifs où l’on voit une jeune vierge en habits de paysanne passer les yeux baissés, suivie d’un cortège de bêtes des tanières et d’oiseaux du ciel attirés par sa pudeur, plus puissante que la musique d’Orphée, vous admirerez sûrement ce petit tableau :

Ces lieux sont purs, tu les complètes.
Ce bois, loin des sentiers battus,
Semble avoir fait des violettes,
Jeanne, avec toutes tes vertus.
L’aurore ressemble à ton âge ;
Jeanne, il existe sous les cieux
On ne sait quel doux voisinage
Des bons cœurs avec les beaux lieux.
Tout ce vallon est une fête
Qui t’offre son humble bonheur ;
C’est un nimbe autour de ta tête,
C’est un Éden en ton honneur.
Tout ce qui t’approche désire
Se faire regarder par toi,
Sachant que ta chanson, ton rire
Et ton front sont de bonne foi.
O Jeanne, ta douceur est telle
Qu’en errant dans ces bois bénis,
Elle fait dresser devant elle
Les petites têtes des nids.

Tous les caractères de ces cantiques d’amour adressés à Jeanne