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donner immédiatement des ordres concernant cette dernière clause et de présenter les autres au prince de Nagato, qui réside à son château d’Anghi, sur la côte ouest de la province, à une journée de marche environ.

Dès le lendemain matin en effet, les canons armant les rochers et la côte de Kousi-saki étaient remis entre nos mains. Les Japonais eux-mêmes aidèrent nos travailleurs à les embarquer ; la plupart d’entre eux, hors de la présence de leurs chefs, ne cherchaient pas à dissimuler leur satisfaction de la terminaison des hostilités. Imitant de la voix le bruit de nos boulets explosibles, ils déclaraient à tout venant que la guerre était une chose fort désagréable. Cette reddition porta à soixante-dix environ le nombre des pièces de tout calibre en notre pouvoir. Elles étaient toutes en bronze ; quelques-unes devaient être d’origine étrangère, mais beaucoup avaient pertinemment été fondues au Japon, ce qu’indiquaient les inscriptions gravées sur la culasse. La répartition en fut faite entre les divisions alliées.

Le Tancrède fut expédié de Simonoseki à Shang-haï avec les dépêches annonçant à la fois la déclaration et l’heureux résultat des hostilités. D’un autre côté, le Ta-kiang fut dirigé sur Yokohama par la route de la Mer-Intérieure avec ceux des blessés qui purent souffrir le transbordement. Une partie de la division alliée, avec les gros bâtimens, vint mouiller dans la seconde branche du détroit, de façon à ce que les navires échelonnés sur sa longueur pussent surveiller tous les points de la côte. Le courant de marée atteint contre la rive même de Simonoseki une violence assez grande pour faire chasser les navires à l’ancre et rendre difficile la manœuvre des embarcations. Nous fûmes obligés d’aller mouiller un peu plus au large de la ville, au fond de la baie de Mozi.

En attendant la réponse du daïmio de Nagato, les états-majors furent autorisés, sous leur propre responsabilité toutefois, à circuler sur les deux côtés du détroit et dans la ville même ; chacun s’empressa de mettre à profit cette permission. La ville, pendant les journées de l’attaque, avait été complètement désertée par ses habitans ; dès que la suspension d’armes eut été publiée, ils revinrent peu à peu. Le premier jour où nous descendîmes, c’était le 9 septembre, une partie de la population mâle était déjà venue reprendre possession de ses pénates ; trois jours après, les rues offraient leur physionomie accoutumée. — Rien n’est pittoresque comme cette vieille cité populeuse et commerçante. Les hautes montagnes qui bordent la première partie du détroit s’abaissent dans la portion suivante en formant un monticule peu élevé qui longe les sinuosités de la côte. La ville, faisant suite à ses faubourgs,