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jour, parvenus en vue du chenal de Boungo, nous rencontrâmes sous la côte de Sikok le Dupleix et le Tancrède, qui rallièrent immédiatement. La corvette le Perseus, arrivant de Shang-haï avec un trois-mâts chargé de charbon, communiquait à la même heure avec l’amiral Kuper. Le 2 septembre, après avoir franchi les passes de Boungo ; nous venions jeter l’ancré au mouillage d’Himesima. Le lendemain matin, les divisions s’y trouvèrent au grand complet. Cette journée fut employée à divers préparatifs.

Himesima, petite île de quelques kilomètres de circonférence, se compose de deux montagnes, dont l’une fort élevée, sur la langue de terre qui les relie s’élève un village de pêcheurs et de paysans qui ont pour industrie l’exploitation de salines situées en arrière du village. Quelques yakounines, agens de police d’un grade inférieur, y représentent l’autorité. A notre présence dans l’île, à quelques questions que nous leur fîmes, ils opposèrent une impassibilité et un mutisme obstinés. La végétation de l’île est assez pauvre ; mais les pins qui couronnent les falaises donnent à ces rives un aspect pittoresque. Nous gravîmes les sommets de l’île, d’où la vue s’étend de tous côtés sans obstacle. A nos pieds, les dix-sept bâtimens à l’ancre dans la petite baie réfléchissaient leur mâture dans ses eaux calmes et transparentes ; les embarcations allant et venant entre les navires donnaient au paysage une animation insolite. A deux milles dans l’ouest, la province de Boungo étalait ses collines couvertes de verdure, tandis qu’au nord les hautes montagnes de Nipon et de la province de Nagato bordaient l’horizon d’une double rangée de sommets brumeux.

Une trentaine de milles nous séparait de l’entrée intérieure du détroit ; nous la franchîmes le lendemain. Les divisions se mirent en marche sous vapeur à neuf heures du matin, formant trois lignes de files parallèles, les Français et l’Américain à gauche, les Anglais au centre, les Hollandais à droite. Ce mouvement s’exécuta avec ensemble, et à trois heures les divisions mouillaient dans le même ordre, les premiers bâtimens à 3,000 mètres environ de l’entrée du détroit. Les amiraux se rendirent immédiatement à bord de la Coquette, pour faire avant la nuit une reconnaissance le long de la côte ennemie. À ce moment, toutes les lunettes étaient curieusement braquées sur le paysage.

Nous avons déjà donné[1] la topographie de la première partie du détroit, qui figure un entonnoir limité au nord, sur la côte de Nagato, par le cap Kousi (Kousi-saki), et au sud, sur la côte de Bouzen, par I-saki. Une falaise couronnée de pins forme le premier de ces

  1. Revue du 1er mars.