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bientôt de l’intérieur du pays de plus en plus alarmantes. Appelé une seconde fois à Kioto au commencement de 1864, le taïkoun avait été reçu dans ce pays, où l’étiquette règne en souveraine, d’une façon presque insultante pour un homme de son rang ; puis, dans les discussions qui avaient suivi, les conseils des ennemis des étrangers paraissaient avoir prévalu. En vain quelques princes puissans, parmi lesquels on citait Satzouma et Etsizen, avaient-ils demandé plus ou moins ouvertement la temporisation. Une résolution avait été prise : Yokohama devait être évacué de gré ou de force à la fin de l’année. Les armemens devaient être poussés avec vigueur. Sans doute le prince de Nagato ne jouissait plus du même crédit à la cour du mikado, mais le feu qu’il avait allumé paraissait gagner de toutes parts ; deux foyers d’insurrection se développaient dans l’empire, servant de refuge à tous les gens tarés, aux lonines ou bandits, aux officiers sans maître : l’un dans les domaines du prince de Nagato, qui les appelait, l’autre dans la grande province de Yamato, située au nord de Yédo. De ce côté, les lonines, comme on les nommait, s’avançaient peu à peu sur la ville ; après avoir ravagé la province, ils venaient impunément jusque dans Yédo, levant des contributions à l’aide de menaces et mettant secrètement à mort les marchands où les amis supposés des étrangers. Ces exécutions qui restaient impunies répandaient l’effroi ; le gouvernement du taïkoun, incapable de rien faire contre cette anarchie, semblait près de succomber. Ses réponses évasives à la dernière communication des ministres furent une véritable déclaration d’impuissance que tout à ce moment paraissait justifier.

Les représentans des puissances étrangères ne pouvaient plus hésiter à marcher dans la voie que sir R. Alcock avait indiquée quelques mois auparavant. Au lieu de laisser s’écrouler le seul pouvoir avec lequel nous eussions des engagemens, au lieu d’attendre tranquillement à Yokohama l’irruption du courant que rien alors ne retiendrait plus, il fallait, par un acte de vigueur, intimider l’ennemi commun du taïkoun et des étrangers, lui montrer la véritable supériorité des Européens, et détacher ainsi de sa cause les princes tenus dans l’indécision par notre faiblesse supposée, où l’on pouvait voir une arrière-pensée d’abandon. S’il ne fallait pas rester sur la défensive, il était également dangereux d’unir les forces étrangères à celles du taïkoun : c’eût été le compromettre irrévocablement vis-à-vis du patriotisme orgueilleux de sa nation. La mesure la plus naturelle était donc une opération contre les défenses du détroit de Simonoseki, en tant que les commandans en chef admettraient cette mesure comme praticable. Telle fut la conclusion du memorandum rédigé par les ministres le 22 juillet 1864 pour