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les victimes du pillage avaient recours en indemnité. Elles avaient perdu 3,000 ou 4,000 dollars peut-être, 5,000 tout au plus : elles commencèrent par en réclamer 50,000 sur la foi du serment. L’affaire vint devant la chambre, et les plaignans obtinrent 25,000 dollars ; il en resta 12,000 aux mains de l’avocat bénévole qui avait soutenu leurs intérêts. » — Un colon français de Saint-Louis avait une affaire pendante devant la législature du Missouri, qui ne prenait aucun souci de sa requête et la laissait dormir depuis plus d’un an au fond du panier. De guerre lasse, il se rendit à Jeflersonville où siégeaient les chambres, acheta un tonneau de whisky, invita ses juges à souper tous ensemble ; on ne sait ce qu’il leur dit après boire : le lendemain, vote unanime en sa faveur.

On excuse ce petit commerce des législateurs par l’insuffisance ridicule de leurs traitemens : on dit qu’un homme pauvre, qui n’a pour vivre loin de chez lui que trois dollars par jour, surtout depuis la guerre et le papier-monnaie, est bien forcé, pour manger, de se faire à lui-même un supplément d’indemnité. Il en est de même des petits employés des administrations publiques. Aussi la corruption fleurit-elle surtout dans les rangs inférieurs. Les chefs du gouvernement sont, quoi qu’on en dise, à l’abri de tout reproche ; cependant, si j’en devais croire les accusations d’une presse calomnieuse et déshonorée, il n’y aurait pas jusqu’au premier citoyen des États-Unis, jusqu’à celui que la voix publique a appelé l’honest old Abe, sur qui je ne dusse perdre mes illusions. Le World et le Daily News, journaux bien connus pour recevoir les inspirations des frères Wood, ne poussaient-ils pas hier l’infamie jusqu’à insinuer que Mme Lincoln, en sa qualité de bonne ménagère, approvisionnait son garde-manger pour le temps des revers politiques ? Quant à M. Seward, on le plaisante sans cesse sur ses économies ; on lui demande si la « petite sonnette » qui a la vertu magique de fermer les portes des prisons a en même temps celle d’ouvrir le trésor public. M. Chase, qui reste pauvre, est accusé d’avoir fait une fortune scandaleuse. Personne n’ajoute foi à ces calomnies qui ne salissent que ceux qui les écrivent, et dont les honnêtes gens dédaignent de s’émouvoir ; mais c’est le sang-froid même des honnêtes gens qui m’étonne. Il faut que l’habitude de la corruption soit bien enracinée pour que de pareilles indignités se débitent sans scrupule, et qu’on les supporte si doucement. Et voyez par quel étrange argument de morale un journal républicain réplique aux imputations des copperheads ; il invoque la minime proportion des escroqueries qu’on prête à M. Chase pour louer sa probité ! « A tout prendre, dit-il, M. Chase n’aurait perçu des fonds de l’état qu’un centième tout au plus pour cent, commission bien