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loyaux unionistes. » Cette protestation fut répétée avec emphase par tous les assistans. Quelques-uns firent allusion à la clause exceptionnelle des 20,000 dollars. « Vous savez aussi bien que moi, répondit M. Seward, que ce sont les hommes à 20,000 dollars qui ont provoqué la rébellion et soutenu la guerre. Le gouvernement est-il trop exigeant lorsqu’il leur demande aujourd’hui quelques garanties de loyauté ? Si vous voulez que cette clause soit pour vous inoffensive, au nom de Dieu, messieurs, rentrez chez vous et organisez vos états ! Abrogez votre acte de sécession, rendez une ordonnance abolissant l’esclavage, comme le Mississipi vient de le faire, et il n’y aura personne alors dans le sud qui soit plus heureux que moi de votre rétablissement dans vos droits de citoyens. » Plusieurs des délégués entourèrent le correspondant du Times comme pour le charger de faire connaître leurs sentimens à l’Europe. « Nous voulons nous remettre au travail, disaient-ils tous, et cette clause est un obstacle. — Il vous est cependant bien facile d’obtenir le pardon. — Oui ; mais tant que le gouvernement ne croira pas à nos protestations de loyauté, il y aura des délais. Nous voulons le convaincre de notre sincérité, et c’est pour cela que nous sommes ici ce soir. »

C’est la même députation qui s’est rendue auprès du président et à laquelle M. Johnson a fait entendre de si fortes et de si nobles paroles. Même familiarité dans la réception, mais ici il semble qu’une communication plus intense se soit établie entre ces représentans d’une communauté souffrante qui expie et reconnaît son erreur et ce chef d’état plébéien élevé pour ainsi dire au-dessus de lui-même par le sentiment de la responsabilité républicaine et le devoir patriotique que ses fonctions lui imposent. Voilà bien, comme son prédécesseur, un honnête homme, qui ne subtilise point avec ses obligations morales, qui serre de près le devoir étroit et simple. Il s’est opposé au démembrement de sa patrie, et il peut se rendre le témoignage d’avoir travaillé pour la bonne cause, qui a été la cause triomphante ; mais aujourd’hui que la cause de l’Union est gagnée, c’est lui qui est chargé de restaurer cette Union, de la faire revivre. L’œuvre de la lutte et du champ de bataille est terminée ; à lui la tâche de la réorganisation ! Dans cette œuvre, il ne veut rien livrer à l’hypothèse, à la chimère, à l’entraînement. Il ne veut pas que les États-Unis aillent d’un extrême à l’autre, que, par réaction contre un système fédéral qui a failli briser l’unité nationale, ils se jettent dans un système de centralisation où se perdrait la liberté. Il s’en tient à la constitution, et, chose remarquable, cette invocation de la constitution pure et simple est la meilleure garantie de la réconciliation des deux fractions de la nation récemment divisées. En face de la constitution, il n’y a plus de parti victorieux ni de parti vaincu, il n’y a que des états égaux devant la loi commune et des concitoyens qui se relèvent dans leur propre estime par le respect mutuel de leurs droits. Les inspirations de la raison se rencontrent ici avec celles du