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avantageux pour l’un et pour l’autre. L’Autriche réduirait donc ses dépenses militaires, et du même coup elle augmenterait son commerce. Maintenant au contraire l’Italie, qui, maîtresse de son territoire national, serait uniquement occupée de développer son agriculture et son industrie, se voit forcée d’épier à toute heure le moment où elle pourrait affranchir la Vénétie ; elle est prête à se lever à tout appel, quand un ennemi de l’Autriche lui offrira de l’aider dans cette revendication. Combien tout serait changé si l’Autriche rompait les fers de Venise, qui pèsent si lourdement sur elle-même ! On parle, je le sais, de la nécessité stratégique qu’il y a pour l’Autriche de posséder la ligne du Mincio, et les Allemands la réclament eux-mêmes quelquefois. C’est évidemment une prétention exagérée de leur part et une erreur de l’Autriche. Les Italiens, avec Rome et Venise, forment une population d’à peu près 25 millions d’âmes ; la confédération germanique en a 44 millions, l’Autriche, sans la Vénétie, au moins 32 millions, et entre l’Autriche et l’Italie s’élève la grande barrière des Alpes. En vérité, on ne saurait discuter sérieusement la prétention qu’à la puissance la plus forte de posséder au-delà de cette barrière une province du territoire de son voisin, déjà plus faible, en alléguant le danger que ce voisin lui fait courir. Si l’on examine de préférence la question de droit, il faut se souvenir que la possession de la Vénétie par l’Autriche ne date que de l’acte injuste commis à Campo-Formio par le premier Napoléon, alors simple général de la France révolutionnaire. Le congrès de Vienne a commis exactement la même injustice en laissant l’Autriche s’emparer de nouveau de cette province en 1815. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que les généraux autrichiens et anglais, quand ils cherchaient en 1813 à soulever l’Italie, lui avaient pourtant déclaré dans leurs proclamations qu’ils voulaient seulement la délivrer « du joug de fer de Bonaparte et la rendre à elle-même. » Ah ! certes la Vénétie et l’Italie ont bien raison de protester, et c’est de leur côté que parle le droit le plus clair qu’il y ait au monde.

Traités et possession ! est-ce bien le moment pour l’Autriche et ses amis de se servir de tels argumens ? Où sont les traités qui liaient le Holstein et le Slesvig au Danemark ? Ce n’est point par dizaines, c’est par centaines d’années que l’on comptait la durée de la possession de ces pays par la royauté danoise. Les titres séculaires du Danemark à la possession de ces duchés seraient-ils inférieurs à ceux qui découlent pour l’Autriche d’une injustice moderne commise par le général républicain d’une puissance révolutionnaire ? Alléguera-t-on la manière dont le gouvernement danois se conduisait envers les duchés ? Il peut avoir eu des torts ; mais quand on