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eux aussi, une preuve irrécusable de la ruine qui semble attendre cette malheureuse ville. Nous laissons parler le président de la chambre de commerce. « A partir de la guerre de 1859, dit-il, commence pour Venise une période de décadence si rapide que peut-être n’en trouverait-on pas un second exemple dans l’histoire de notre commerce. » Voici en effet ce que disent les chiffres :

Vaisseaux entrés et tonnage


1859 1860 1861 1862 1863 1864
Vaisseaux 4,581 4,250 3,788 3,382 3,292 3,123
Tonneaux 537,285 436,416 364,792 332,413 312,275 301,337
Vaisseaux sortis et tonnage.


1859 1860 1861 1862 1863 1864
Vaisseaux 4,466 4,251 3,756 3,395 3,241 3,093
Tonneaux 519,241 450,980 374,015 336,483 310,968 303,539

En cinq années, la diminution a donc été de 235,948 tonnes et de 1,458 vaisseaux à l’entrée, — de 1,373 vaisseaux et de 215,702 tonnes à la sortie. Tandis que Venise voit son port condamné à des pertes si cruelles, Gênes a doublé en six ans le mouvement du sien, et cette année même, le gouvernement italien a cédé au commerce de Naples l’emplacement du port militaire, parce que le vieux port commercial ne peut plus suffire aux besoins des échanges maritimes de cette ville.

En même temps que les ressources de Venise diminuent, les impôts augmentent. Les caisses d’épargne et les sociétés de secours mutuels faisant presque entièrement défaut à la Vénétie, on comprend que la misère y gagne sans cesse du terrain. L’Autriche cependant s’y maintient par la force d’une armée de 150,000 à 180,000 hommes, appuyée sur son fameux quadrilatère. Les fortifications de Venise ont été considérablement augmentées depuis la guerre ; le territoire vénitien s’est couvert de nombreux travaux stratégiques. Cette nécessité d’être toujours sur le qui-vive produit un état financier des plus graves pour l’Autriche. Le fait est que la Vénétie est un bien lourd fardeau pour le gouvernement de Vienne, un fardeau qui épuise les ressources de l’empire. Sans la Vénétie, tout le monde lèsent, même à Vienne, l’Autriche serait plus riche et plus forte, on n’en saurait douter, car elle serait à même de diminuer de beaucoup et son armée et ses dépenses. De plus, si la vraie frontière de l’Italie et de l’Autriche, celle des Alpes, était enfin placée par une sage politique là où la nature l’a mise, non-seulement cesserait aussitôt l’hostilité qui divise les deux pays, mais il se créerait entre eux un commerce également