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Cordova, est par les beaux temps d’un parcours facile. On a quitté à peine les terres chaudes, on est déjà en terre tempérée. Sur les penchans des montagnes, arrosées par de nombreuses sources, fleurissent les caféiers aux baies rougissantes, — dans les bas-fonds les bananiers, — à mi-pente les plantations de coton. Le chemin de Cordova serpente dans les bois. A une lieue de la ville se dresse, comme une sentinelle avancée, un roc volcanique, couronné d’arbres magnifiques, qui commande le défilé. C’était jadis le refuge de tous les bandits, qu’il était impossible d’y poursuivre sous les énormes blocs de pierre qu’ils faisaient rouler pour leur défense.

Le 20 juin, un peu après midi (c’est toujours vers trois heures que les orages commencent à gronder dans le ciel du Mexique), une pluie torrentielle inondait la vallée de Cordova. Les échos du tonnerre roulaient majestueusement de montagne en montagne. Cavaliers et fantassins étaient trempés jusqu’aux os, et les chevaux, aveuglés par l’averse, avançaient avec peine sur la route où, l’été dernier encore, dans des circonstances pareilles, on a vu se noyer des mulets avec leur charge. Enfin apparut à un détour du chemin la garrita de Cordova. La garrita, peinte en rouge et en blanc, est le bureau d’octroi et de douane placé à un kilomètre de chaque ville, que les contrebandiers savent si bien éviter, grâce à la complicité payée des agens. C’est un bâtiment à trois ou quatre arcades. Au-dessus et au centre se détache l’écusson national, qui porte l’aigle du Mexique reposant sur des feuilles de nopal et écrasant un serpent dans son bec et ses serres. Un quart d’heure après, la contre-guérilla, passant à travers les attelages embourbés dont la route était encombrée, entrait à Cordova, où elle séjourna, pour se reposer de ses rudes fatigues, jusqu’au 25 juin.

Cordova, la première ville après Vera-Cruz que le voyageur rencontre sur la route de Mexico, est admirablement située en terre tempérée. Le climat, quoique toujours imprégné d’une chaleur humide pendant l’hivernage, est agréable le reste de l’année. De rians jardins, désertés encore en 1863, entourent la ville, excepté du côté d’Orizaba, où elle est dominée par les bois. Elle compte aujourd’hui deux ou trois mille âmes ; elle en comptait douze mille avant les dernières révolutions. Un des principaux habitans, riche à millions, grâce à ses caféières, qui couvrent tout le flanc droit de la montagne, profita du séjour des officiers français pour les inviter à une petite fête de famille. Après être allé faire ses études de droit et de médecine en France, malgré sa grosse fortune il était revenu au pays natal tenir une petite boutique d’épiceries. Dans son salon d’une élégance toute mexicaine, il y avait quatre pendules dorées ; pas une ne marquait l’heure. Les huit jeunes filles de la maison