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où les abris sont nécessaires aux habitans, qui ne peuvent résister en plein air aux aguaceros, avalanches d’eau qui s’abattent sur le Mexique depuis le mois de juin. Les bras étaient nécessaires aux semailles du maïs, et, pour éviter la famine, le Mexicain des terres chaudes devait rester attaché à son sol durant le temps des travaux agricoles.

A peine la nouvelle de l’entrée à Mexico fut-elle confirmée, que la contre-guérilla leva le camp. Une expédition sur la ville juariste de Cotastla venait d’être décidée. Cent cavaliers et cent trente fantassins se mirent en route au soleil couchant. San-Miguel, à quatre lieues de la Soledad, fut la première étape. Non loin de San-Miguel, il y avait un village nommé Cueva-Pintada (la caverne bigarrée), connue par le concours prêté à des massacres qui avaient enlevé à la légion étrangère une de ses compagnies au mémorable combat de Camaron[1]. On marcha sur ce village, et malgré les coups de fusil d’un gros parti de cavaliers qui s’était retiré derrière une vaste barranca pour surprendre la colonne, la Cueva-Pintada fut réduite en cendres. Les propriétaires des maisons qui recélaient les effets enlevés aux victimes de Camaron furent emmenés prisonniers. Après un tel exemple, on crut pouvoir obtenir la reddition volontaire de Cotastla. Une lettre du colonel Du Pin plaça le commandant de cette place, don Hilario Osorio, dans la nécessité de choisir entre l’amnistie la plus large pour le passé ou une guerre à outrance. Une femme servit de courrier. Le lendemain, l’intrépide amazone, montée sur un bel étalon, amenait au camp le plénipotentiaire d’Osorio, qui acceptait l’amnistie. La colonne se dirigea aussitôt sur Cotastla. L’Atoyac, grossi par les pluies de l’hivernage, était effrayant dans sa course, et roulait avec bruit des blocs de rochers détachés de la montagne. Malgré d’immenses difficultés, toute la troupe, après quelques pertes de chevaux entraînés par le torrent, termina son passage à la lueur de grandes branches résineuses allumées sur la berge. Le curé, entouré d’Indiennes chargées d’enfans qu’elles portaient sur les reins enroulés dans un pli du rebozo, attendait le chef français sur la rive. On pénétra dans la ville ; elle était déserte. Sur la place, un débit de liqueurs tenu par un Espagnol était seul ouvert.

Cotastla est la plus ancienne ville des terres chaudes, qu’elle domine politiquement. Une centaine de maisons de bambous, une chapelle délabrée, une maison de pierre, une fontaine tarie et un marché couvert en chaume, flanqué de quatre ou cinq bancs de

  1. C’est au bourg de Camaron que le 2 mai 1863 une compagnie de la légion étrangère fut massacrée après une lutte héroïque soutenue contre les troupes juaristes.