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l’intervention, avec de l’infanterie et deux cents chevaux, pour inquiéter le flanc droit du convoi de prisonniers. La contre-guérilla partit le soir à marches forcées pour attaquer Gomez, en décrivant à travers les bois un demi-cercle vers Paso-Ancho, lieu de rendez-vous assigné pour le 4 juin.

Toute la nuit on marcha. Les renseignemens recueillis en route apprenaient que l’ennemi s’était concentré à la Catalana. On fit donc une diversion de ce côté. À mesure qu’on avançait, on surprenait de petits groupes de cavaliers qui se ralliaient vers ce dernier point, et qui, serrés de trop près par les contre-guérillas, se jetaient dans la broussaille en abandonnant leurs chevaux. Cette façon de se dérober en guerre est commune aux Mexicains, qui, sitôt qu’ils sont hors d’atteinte, remplacent aisément la monture abandonnée en attrapant, à l’aide du lasso[1], les chevaux sauvages, toujours nombreux dans les bois. Vers le lever du soleil, on n’était plus qu’à quatre lieues de la Catalana ; mais un ruisseau, le rio del Estero, barrait la route. Le lit vaseux du rio était impraticable : les bêtes enfonçaient jusqu’au poitrail le long de la berge trompeuse, cachée par les bambous et les volubilis en fleur. Il fallut se rabattre sur Paso-Ancho, où, le 4 juin au soir, la contre-guérilla reçut enfin la garde des officiers mexicains de Puebla, qui arrivèrent le 6 à la Soledad, sans avoir été secourus par leurs compagnons d’armes.

Le 12 juin, une grande nouvelle, apportée par la diligence de Puebla, dont les voyageurs avaient été dévalisés sur le parcours de Cordova, se répandit dans le petit camp de la Soledad. Grâce à une marche rapide, l’armée française avait escaladé le Popocatepetl[2] malgré les amas d’arbres jetés sur la route par les libéraux battant en retraite, et était entrée à Mexico sans coup férir. Bien des imaginations ce jour-là traversèrent l’Océan et revirent la France. La guerre n’était-elle pas terminée du coup ? La fuite de Juarès ne le frappait-elle pas de déchéance ou d’impuissance définitive aux yeux mêmes de ses fidèles ? Les bandes des terres chaudes, découragées par ce dernier abandon, n’allaient-elles pas déposer les armes ? Les illusions furent de courte durée, car les régions comprises entre la Vera-Cruz et la Soledad recommencèrent à remuer. Néanmoins la prise de Mexico rendit plus de liberté aux chefs de nos postes militaires. En outre il devenait plus facile de soumettre les rebelles, grâce à l’arrivée de la saison de l’hivernage,

  1. On le sait, le lasso est une grande corde tressée en cuir ou en fil d’aloès, terminée par un nœud coulant destiné à saisir l’animal qu’on poursuit à la course.
  2. Le pic le pus élevé du Mexique, qui domine d’un côté la vallée de Puebla et de l’autre celle de Mexico.