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heures et demie, un puits délabré contenant un peu d’eau fut signalé : c’était la terre pour les naufragés. Après une halte d’une heure, où la soif avait été modérément apaisée, on se remit en route, et à huit heures du soir on arrivait à Mandigue. Cette hacienda, enfermée par une ceinture verdoyante de bananiers et de citronniers, est riche en ressources du pays. Trois bœufs rapidement abattus et dépecés, grillés sur les braises ardentes en plein vent, firent les frais d’un splendide repas arrosé de larges tasses de café indigène aux senteurs parfumées. Un beau ciel étoile servit de tente ; la paille de maïs, ramassée dans les sillons, offrait un lit plein de fraîcheur. Le bivouac fut bientôt silencieux, et la nuit répara les forces des hommes, si gravement éprouvées par la marche de la veille.

L’attaque de Tlaliscoya était préparée par cette pointe en pays ennemi : c’était, des trois centres occupés par les forcés libérales, le plus difficile, à enlever ; mais, aussi cette position commandait militairement les deux autres. Deux chemins se présentaient pour l’attaque. Le premier, passant par Rancho-de-Plata, demandait deux jours de marche ; de plus, avant d’arriver à la ville, il fallait traverser un bois épais et profond. Les guérillas y avaient intercepté la route sur une longueur de 400 mètres par des abatis de bois dur, derrière lesquels ils avaient placé des barricades de distance en distance. Le second tracé était plus court : on comptait six lieues à peine ; mais on devait traverser deux rivières rapides, qui n’étaient guéables en aucune saison.

Le 18 mars, à dix heures du matin, la colonne légère fut passée en revue devant le péristyle de l’hacienda. Le colonel déclara que, vu les difficultés du second tracé, il se rendrait à Tlaliscoya par Rancho-de-Plata. Tous les habitans de l’hacienda et ceux des ranchos voisins assistaient à la réunion ; les guides étaient commandés ; plusieurs espions partirent immédiatement pour avertir l’ennemi du projet de départ et de direction. Le but était atteint : les espions avaient été trompés ; aussitôt trente cavaliers se portèrent à fond de train vers la première rivière appelée Rio-de-Pozuelo, pour surprendre le bateau qui servait au passage. Le maître de Mandigue se proposa lui-même pour guide. La mission des trente cavaliers fut promptement remplie, et à une heure du soir deux brigadiers apportèrent la nouvelle qu’on s’était emparé du bateau.

Quatorze fantassins, encore sous le coup des insolations de la veille et trop faibles pour suivre le mouvement, se barricadèrent dans l’hacienda, prêts à toute surprise. La colonne se mit en marche et n’arriva qu’à quatre heures du soir sur le bord du premier cours d’eau. On organisa rapidement le va-et-vient ; l’opération était