Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/693

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Staël, par une dépêche datée de Brunswick, 8 juin 1791, que nul envoyé de ce gouvernement ne sera reçu dans ses états, et que des ordres sont donnés dans les différens ports, à Stralsund, Helsingborg et Ystad, pour empêcher M. de Vibray de passer outre.


« Je regarde tous ceux qui viennent de la part de cette assemblée (et je ne suis pas le seul des souverains du Nord à penser ainsi) comme autant de conspirateurs gagés pour allumer le feu de la guerre civile dans les différens états, et pour semer partout la discorde entre les peuples et leurs souverains. Avec cette conviction, je me croirai tout permis pour les empêcher de réussir. C’est à vous de prévenir cet esclandre, qui entraînerait nécessairement la cessation de toute mission suédoise à Paris, ce qui ne pourrait qu’être fâcheux pour vous. J’apprends aussi qu’il est question de faire prêter à l’armée française un nouveau serment dont le nom du roi est entièrement exclu ; en ce cas, je vous ordonne d’avance de signifier à tous les officiers mes sujets de quitter sur-le-champ, sous peine de désobéissance militaire, le service de France. Si quelqu’un persiste à y rester après cet ordre, vous m’en rendrez compte officiellement. »


De pareilles dispositions, que le baron de Staël ne pouvait ni publier ni garder secrètes sans accepter la responsabilité de quelque éclat dangereux, étaient par elles-mêmes singulièrement précipitées. On en jugea ainsi autour de Louis XVI, car M. de Breteuil répondit le 9 juin, de Soleure, la lettre suivante :


« Je n’hésiterais pas, sire, à accepter au nom du roi votre tendre et courageuse proposition, si le roi était libre et à la tête de la plus saine partie de ses troupes ; mais, dans la position où se trouve encore sa majesté, elle ne peut et ne doit que vous demander, sire, de tempérer les mouvemens de votre amitié et de lui en conserver les dispositions pour l’instant où elle aura repris le droit de réclamer le secours de son plus ancien allié et de son meilleur ami… Vous sentirez, sire, que tant que le roi est entre les mains des factieux, des démarches éclatantes de votre amitié ne feraient qu’augmenter également ses entraves et ses dangers. J’espère que nous touchons au terme des uns et des autres ; mais il faut y être arrivé avant de pouvoir se livrer à la plupart des mesures les plus importantes, les plus désirables et même les plus nécessaires. »


M. de Breteuil acceptait du reste à l’avance toutes les conditions du traité, et il assurait qu’une négociation était déjà entamée avec l’Espagne pour en obtenir des subsides. Le roi de France, disait-il, avait le désir de fournir au roi de Suède tout l’argent nécessaire, et s’engageait en tout cas à trouver dans le succès les moyens de s’acquitter envers son généreux allié. Deux observations graves terminaient la lettre du baron de Breteuil : par l’une, répondant à l’apostille de Gustave III, il affirmait que jamais le roi de France