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et il se flattait de pouvoir joindre à ces forces au moins huit mille soldats russes. En échange de ces services, il demandait l’argent nécessaire pour le transport et l’entretien de ces troupes, l’assurance que le commandement en chef ne lui serait pas contesté là où il se trouverait en personne, le renouvellement, après la restauration de Louis XVI, des anciennes alliances, nommément de celle du 19 juillet 1784, avec augmentation de subsides au moins jusqu’à la somme de 3 millions de livres. « Si une impossibilité absolue ne s’y était opposée ; il se fût fait une gloire de tout entreprendre pour le service du roi de France sans lui rien demander, renouvelant ainsi ces anciens et nobles exemples de loyauté et de chevalerie qui prescrivaient aux guerriers le devoir si juste de secourir les princes malheureux et opprimés ; » mais il en appelait aux souvenirs de M. de Breteuil lui-même sur la pauvreté de la Suède. Il pensait qu’on pouvait engager le roi d’Espagne à fournir les secours d’argent pour le compte du roi de France, qui les lui rembourserait aussitôt après son rétablissement. Les troupes espagnoles ne devaient pas être, suivant lui, appelées en France, parce que leur apparition y réveillerait de vieilles haines nationales. Les Suédois au contraire étaient aimés des Français, auprès de qui ils avaient si souvent combattu ; en outre on ne pouvait les soupçonner d’aucun projet d’agrandissement aux dépens de la France. Il demandait enfin si le roi pouvait lui faire offrir un port pour débarquer ses troupes, et annonçait sa prochaine arrivée à Aix-la-Chapelle. Il ne craignait pas d’ajouter, en forme d’apostille, que si le roi de France négociait avec ses propres sujets pour alléger sa situation en sacrifiant une partie de sa puissance, il regarderait une pareille concession comme dangereuse et contraire à tous les principes qui allaient déterminer la conduite des souverains armés en sa faveur.

La date de cette lettre coïncidait avec l’arrivée à Stockholm du comte Stackelberg, qui apportait de Pétersbourg un plan d’action commune contre la France. On apprécie facilement quelle était la sincérité de cette démonstration, quand on voit vers le même temps Catherine II essayer de corrompre les députés de l’assemblée nationale et Mirabeau lui-même ; mais Gustave III, lui, n’avait contre la bonne foi de l’impératrice aucun soupçon. Il était convaincu que l’alliance du Nord allait se fonder, et nous le voyons partir plein d’espoir, le 24 mai, pour Aix-la-Chapelle. Au milieu de sa route, impatient et ne doutant de rien, il fait un pas de plus vers une rupture éclatante avec le parti qu’il veut combattre. Informé que le gouvernement révolutionnaire se dispose à faire partir le vicomte de Vibray pour le représenter à Stockholm, il informe le baron de