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sujet avec les chefs de l’émigration ; le jeune comte de Fersen dut poursuivre l’affaire en secret auprès de Louis XVI.

Les journées d’octobre paraissent avoir produit sur Gustave III une profonde impression, et forment le point de départ de ses efforts déclarés contre la révolution française. Elles offrent en effet le premier exemple de la violence populaire s’attaquant, dans Versailles, aux personnes royales, et les privant désormais, ainsi que l’assemblée constituante elle-même, de leur liberté ; le 5 et le 6 octobre furent, a dit Mme de Staël, les premiers jours de l’avènement des jacobins. Les esprits sensés ne pouvaient plus s’aveugler, à partir de ce triste épisode, sur la nécessité d’organiser la résistance. En marge de la dépêche qui lui apprenait ces troubles, Gustave a écrit de sa main, le 22 octobre :


« Il me paraît qu’il est essentiel d’avertir M. de Staël de la conduite qu’il doit tenir, si la personne du roi vient à être ouvertement violentée, ou si, la cour se sauvant de Paris, cette ville entre en guerre ouverte avec son roi. Dans l’une et l’autre occasion, il ne doit pas se séparer de la personne royale, auprès de qui il est accrédité. Dans le premier cas, il doit rester absolument passif vis-à-vis de ceux qui, après avoir enfermé leur souverain, usurperaient l’autorité ; mais je lui ordonne expressément de rendre en secret au roi et à la reine, au dauphin et aux enfans de Louis XVI, tous les services que les circonstances peuvent permettre. Dans le second cas, il doit sortir de Paris, si cela lui est possible, et, s’adressant au ministre du roi, demander dans quels lieux le prince souhaite que l’ambassadeur accrédité par moi près de sa personne doive se rendre. Il laissera un secrétaire à Paris pour m’informer des événemens qui se passeront dans cette ville. Je veux donner l’exemple aux autres rois de respecter leur égal dans le malheur. »


Peu de temps après, il écrit directement à la reine et probablement au roi de France. La réponse de Marie-Antoinette, qui se trouve conservée dans les papiers d’Upsal, est datée du 1er février 1790 et présente un noble mélange de résignation et de reste d’espoir :


« Monsieur mon frère, j’ai été bien touchée de l’amitié et de l’intérêt particulier que votre majesté veut bien me témoigner dans sa lettre du 22 décembre. les malheurs inévitables du plus beau royaume possible aggravent nos peines chaque jour. Il faut espérer que le temps et surtout la conviction ramèneront l’esprit et le cœur des Français, à sentir qu’ils ne peuvent être heureux qu’en se ralliant sous les ordres et le gouvernement d’un roi juste et bon, et quel autre trouveront-ils jamais, j’ose le dire, qui sache plus sacrifier ses intérêts personnels pour la tranquillité et le bonheur de son peuple ? Mes enfans sont bien reconnaissais du souvenir de votre majesté, et, pour moi, je vous prie de ne jamais douter que je partage bien sincèrement tous les sentimens que le roi vous témoigne dans sa