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Telle est, résumée dans ses traits principaux et d’après l’ouvrage de Philostrate, la biographie d’Apollonius. Il convient maintenant de dire quelques mots de ses miracles, de sa doctrine, de son caractère. Nous avons, chemin faisant, signalé plus d’une prouesse miraculeuse opérée par le sage de Tyane ; nous aurions pu en citer bien d’autres. Il est évident que le biographe d’Apollonius a compté sur la crédulité sans limites de ses lecteurs ; mais ce qui mérite notre attention plus encore que les contes bizarres recueillis par Philostrate, c’est le soin extrême qu’il prend de disculper Apollonius de tout soupçon de magie. Les magiciens formaient alors une classe nombreuse de charlatans, justement méprisée par les gens de bon sens, redoutée et pourtant invoquée à chaque instant par le grand nombre. Ils étaient positivement les sorciers du temps, et il suffit de lire un ouvrage tel que celui de Philostrate pour s’assurer de l’erreur commise par quelques historiens contemporains qui ont fait de la sorcellerie une des conséquences du christianisme, en ce sens qu’elle aurait été la réaction légitime de la religion de la nature contre l’oppression sacerdotale. Disons plutôt qu’elle fut, avec ses illusions et ses impostures, un de ces trop nombreux reliquats du polythéisme que l’idée chrétienne, même de nos jours, n’a pas encore réussi à faire entièrement disparaître. Le magicien dans l’antiquité opère des prodiges, comme la sorcière de nos jours, grâce à l’intervention des esprits malfaisans ou moyennant des formules, des cérémonies, des conjurations d’un caractère immoral. Aussi est-il un être dangereux, qui ne cherche que son lucre et la satisfaction de ses mauvais penchans, et que le pouvoir a raison de proscrire. Tout autre est le thaumaturge, qui, comme Apollonius, fait des miracles en vertu de sa science supérieure et de sa communion avec les dieux. Pour en arriver là, il lui faut une vertu austère, une extrême pureté de mœurs et l’observation d’une discipline rigoureuse. C’est par là qu’il obtient la faculté de mettre en fuite les esprits impurs, de connaître l’avenir, de discerner les pensées secrètes, d’être à volonté visible ou invisible, etc. En un mot, ce n’est pas à la magie, c’est à la théurgie qu’Apollonius doit ses pouvoirs. Si la théurgie n’est pas plus vraie que la magie, si elle dénote, comme celle-ci, une épaisse ignorance de la nature et de ses lois imprescriptibles, elle part pourtant d’un point de vue moral beaucoup plus élevé.

Quant à la doctrine philosophique et religieuse d’Apollonius, nous avons déjà résumé son principe théologique. C’est un panthéisme latent sous des formes polythéistes, qui toutefois ne cherche pas à engloutir la personnalité individuelle dans le gouffre du grand tout, et qui même affecte une tendance monothéiste très marquée. Apollonius serait fort disposé à considérer les dieux