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au baiser, les voitures suspendues, les perles aux chaussures, etc, mais qui probablement ne se borna pas à ces futilités malicieusement relevées par les historiens. Quand Mœsa s’aperçut que la première popularité d’Héliogabale déclinait rapidement, elle prit soin de lui faire adopter, malgré ses répugnances, son cousin germain, Alexandre Sévère, fils de son autre fille Julia Mammæa, la dernière femme de cette étrange famille. Soémis périt avec Héliogabale en 222, Mœsa mourut bientôt après, et Julia Mammæa régna jusqu’en 235 sous le nom d’Alexandre Sévère, dont tous les historiens attestent d’un commun accord la soumission absolue à sa mère. Celle-ci conserva jusqu’à la fin la direction politique et morale de son fils, dont les vertus privées contrastèrent fort heureusement avec les débordemens infâmes de son prédécesseur. Elle en abusa même au point de le séparer de la jeune femme qu’il adorait, et dont elle ne tarda pas à être jalouse. Une autre maladresse fut de ne savoir ni comprimer d’une main énergique l’armée, qui se mutina souvent et tua même Ulpien sous les yeux de l’empereur, ni se la concilier par ses largesses. A la fin, et quand les vétérans de Septime Sévère eurent fait place à de nouvelles recrues, l’armée se révolta contre Mammæa plus encore que contre son fils et la fit périr avec lui.

En somme, et en dépit des meurtres périodiques qui furent une des institutions de l’empire romain, voilà une véritable dynastie d’impératrices, toutes sorties d’un sanctuaire de l’Orient, imbues des mêmes traditions, fort influentes, et même pendant près de vingt-cinq ans, depuis la mort de Septime jusqu’à celle d’Alexandre, en possession d’une véritable omnipotence. Or quand on a, sous un gouvernement absolu surtout, découvert l’existence d’une influence féminine prolongée, on peut être certain de ne pas s’égarer en cherchant du côté des affaires religieuses les conséquences les plus directes de cette intervention. En fait, les données éparses chez les contemporains Dion Cassius et Hérodien, chez les écrivains de l’Histoire Auguste, qui les suivent de près, chez ceux mêmes du bas-empire, nous permettent de discerner une même ligne de conduite religieuse qui commence avec Julia Domna sous le voile d’un certain mystère et se révèle pleinement sous les auspices de Julia Mammæa. Les folies mêmes d’Héliogabale trouvent leur explication dans leur connexité avec ce qu’on peut appeler la théologie de sa famille maternelle. N’oublions pas que Philostrate écrit son Apollonius sur l’ordre de Julia Domna, et que le livre s’est trouvé prêt quelque temps après la mort de celle-ci.

Les campagnes de Septime Sévère dans l’extrême Orient avaient élargi l’horizon intellectuel. On commençait à savoir que le monde était passablement plus grand que l’empire romain. L’empereur